©inTRAlinea & Elżbieta Skibińska (2020).
"Entre les livres à succès et la littérature « déconcertante » : le roman français contemporain à travers son intraduction polonaise (2001–15)", inTRAlinea Vol. 22.
Stable URL: https://www.intralinea.org/archive/article/2526

inTRAlinea [ISSN 1827-000X] is the online translation journal of the Department of Interpreting and Translation (DIT) of the University of Bologna, Italy. This printout was generated directly from the online version of this article and can be freely distributed under Creative Commons License CC BY-NC-ND 4.0.

Entre les livres à succès et la littérature « déconcertante » :

le roman français contemporain à travers son intraduction polonaise (2001–15)

By Elżbieta Skibińska (University of Wrocław, Poland)

Abstract & Keywords

English:

This study reconstructs the image of the contemporary French novel as it emerges from the list of translations published in Poland in the years 2001–15. By deciding to publish translated works, the publisher certainly contributes to the enrichment of the target culture through the import of foreign elements. But he also contributes to the shaping of the representation of a given culture in the target culture: he is a key cog in the mechanism of selection and presentation of the translated works to the readers. The analysis leads to the conclusion that even if part of the importation of the translation is motivated by a search for “safe investments” (literature that has won prizes; significant sales in France; numerous translations), the editorial offer is also driven by a logic of discovery, which allows Polish readers to follow French literary novelties.

French:

Cette étude reconstruit l’image du roman français contemporain telle qu’elle ressort de la liste des traductions publiées en Pologne dans les années 2001 à 2015. En décidant de publier des œuvres traduites, l’éditeur contribue, certes, à l’enrichissement de la culture d’accueil par l’importation d’éléments étrangers. Mais il concourt aussi à la formation de la représentation d’une culture autre dans la culture d’accueil : il est un rouage clé dans le mécanisme de sélection et de présentation au lecteur des œuvres à traduire. L’analyse conduit à la constatation que même si une partie de l’intraduction est motivée par la recherche des placements sûrs (consécration par des prix ; chiffres de vente importants en France ; nombreuses traductions), l’offre éditoriale est aussi mue par une logique de la découverte qui permet aux lecteurs polonais de suivre l’actualité littéraire française.

Keywords: roman français contemporain, traduction polonaise, représentation de la littérature source, marché éditorial, contemporary French novel, Polish translation, representation of source literature, publishing market

1. Introduction

Cet article se propose d’esquisser un portrait de la littérature française contemporaine, et plus particulièrement de la création romanesque, à travers la liste des traductions publiées en Pologne sous forme de livres dans les années 2001– 15[1]. Si ce travail se situe dans le cadre de la sociologie de la traduction, son objectif  l’éloigne des questions le plus souvent soulevées, concernant les relations de pouvoir liées à la position des littératures dans la République Mondiale des lettres ou les contraintes économiques ou idéologiques qui pèsent sur la traduction considérée comme échange international (Casanova 1999, Casanova 2002, Sapiro 2008, Sapiro 2012). Il met l’accent sur la part des médiateurs culturels – ici, les éditeurs, pivot de la circulation transnationale des biens culturels que sont les livres – dans la formation des représentations qu’une culture peut avoir d’autres cultures à la suite des décisions qui régissent l’intraduction[2]; en effet, «Le marché de la traduction est le terrain sur lequel se joue l’image d’une culture nationale dans un champ de réception donné, tout en étant aussi l’indicateur qui permet de voir sa cote monter ou bien décliner» (Frisani 2012: 116).

L’intérêt, voire la nécessité d’étudier le rôle de la traduction comme force formatrice des représentations de la culture de départ sont de plus en plus soulignés en traductologie. L’objectif de telles études serait, entre autres, de découvrir comment les représentations générées par la publication des œuvres traduites peuvent agir sur les relations entre les cultures mises en contact par la traduction (Baker 2014: 15-17 ; Roig-Sanz,  Meylaerts (éds.)  2018). En effet, si en décidant de publier des œuvres traduites, l’éditeur contribue à l’enrichissement de la culture d’accueil (de son « répertoire culturel », tel que le définit Even Zohar 1997), il concourt aussi à la formation de l’image d’une culture autre dans la culture d’accueil. Il est un rouage clé dans le mécanisme de sélection des œuvres à traduire, mais aussi dans la façon de les présenter au lecteur. L’utilisation qu’il fait du péritexte, notamment de la « prière d’insérer » placée en quatrième de couverture,   contribue  à « contraindre la réception, à contrôler l’interprétation, à qualifier le texte », tout comme le recours à divers dispositifs formels, tels que l’appartenance à une collection, le format du livre, les conventions typographiques, qui sont investis d’une « fonction expressive » et portent la construction de la signification (Chartier 1991: 6, cité d’après Marpeau 2010: 4)[3].

L’examen du contenu de l’intraduction de la littérature française contemporaine en polonais offre la possibilité d’en découvrir les traits tels qu’ils se laissent saisir à la suite des choix des éditeurs polonais qui décident d’inclure telle ou telle œuvre traduite à leur catalogue. Mais il est important de tenir compte du fait que, au-delà de cette sélection des œuvres à publier, on sélectionne aussi des idées et des esthétiques qui véhiculent des façons particulières d’appréhender le monde et le présenter à travers la littérature. Considérés globalement, les choix éditoriaux contribuent ainsi à la création de la « marque française » de la littérature présente dans un espace éditorial étranger[4].

Or pour le critique Lech Budrecki, l’attitude des éditeurs polonais envers la littérature française semblerait plutôt défavorable : « Nasi wydawcy nie przepadają za literaturą francuską. Bądźmy uczciwi – za współczesną literaturą francuską. W każdym razie nie interesują się nią przesadnie. Wydają ją ostrożnie, oględnie, z umiarkowaniem, tak jakby za każdym razem liczyli się z czytelniczym fiaskiem, z edytorskim niepowodzeniem. [Nos éditeurs n’aiment pas la littérature française. Soyons honnêtes et précisons : la littérature française contemporaine. En tout cas, elle ne les intéresse pas outre mesure. Ils la publient avec prudence, avec modération, comme si, à chaque fois, ils prévoyaient qu’elle déplaira aux lecteurs, que ce sera un échec éditorial.]» (Budrecki 2000: 3).

Ainsi s’ouvre son article « Okaleczony obraz. Jak wydaje się w Polsce literaturę francuską » [Une image mutilée. Comment publie-t-on la littérature française en Pologne] publié en automne 2000 dans le mensuel Kurier Czytelniczy [Courrier des lecteurs].

Trois mois plus tard, dans la revue Dekada Literacka [Décade littéraire], Jerzy Lisowski, Michał Paweł Markowski, Krystyna Rodowska et Ireneusz Kania – tenus pour des « connaisseurs et propagateurs de la culture française » – ont été invités à répondre à la question suivante : « Le rayonnement de la culture française sur le monde est-il terminé ? Et si oui, pourquoi ? ».

Les réponses semblent affirmatives, doublées parfois de regrets : « Faktem jest, że we Francji niewiele się dzisiaj dzieje ważnego w tej dziedzinie. [Le fait est qu’en France actuellement, il ne se passe plus grand-chose d’important dans ce domaine. »] (Lisowski 2001: 21) ; « Już samo sformułowanie tych dwóch pytań w jednym, sugeruje, że czas najwyższy odegrać marsza żałobnego dla kultury francuskiej, lub ogłosić wszem i wobec, że król jest nagi, i to od dawna. [Le simple fait de formuler ces deux questions en une seule laisse à penser qu’il est grand temps de sonner le glas de la culture française, ou en tout cas de proclamer que le roi est nu, et qu’il l’est même depuis longtemps.] » (Rodowska 2001: 21); « Oczywiście, że oddziaływanie francuskiej kultury na świat się skończyło. Jedni – zwłaszcza starsi, którzy francuskiego uczyli się jeszcze od nie wiadomo czemu zasiedziałych w Polsce guwernantek – uważają to za katastrofę, drudzy – zwłaszcza młodsi, którzy w Paryżu na obiad idą do MacDonalds’a – za zbawienie, a wszyscy razem za znak czasów, w których subtelność smaków ustąpiła pośpiesznie wpychanej bułce z kotletem. [Le rayonnement de la culture française dans le monde est terminé, c’est évident. Pour les uns – surtout les plus âgés, ceux qui ont appris le français avec une gouvernante venue s’installer en Pologne pour des raisons inconnues –, c’est une catastrophe ; pour les autres – surtout les jeunes, ceux qui vont déjeuner chez MacDonald’s quand ils sont à Paris –, c’est une libération ; mais pour tous, c’est un signe des temps : on vit à une époque où les saveurs subtiles ont cédé la place au hamburger avalé sur le pouce.] » (Markowski 2001: 24).

Elles révèlent aussi certains points forts de la littérature française : le « métissage» culturel ou la présence, sur les bords de la Seine, d’écrivains francophones dont l’œuvre contribue au renouvellement du potentiel artistique de la langue française ; la richesse de l’essai, genre qui permet de véhiculer des idées philosophiques et des considérations littéraires. Elles semblent ainsi apporter une explication à la réticence des éditeurs polonais dont parle Budrecki, mais aussi une suggestion pour guider leur choix.

Mais il y a plus : elles sont comme un écho des constatations de Casanova (1999) sur la position affaiblie de Paris comme centre de la République mondiale des lettres et aussi – comme une prédiction des discussions qui ont suivi la publication, le lundi 3 décembre 2007, de l’édition européenne du magazine Time, dont la couverture portait le titre « La mort de la culture française » (« The Death of French Culture ») ; il annonçait un article de Donald Morrisson, « In search of lost time », qui constatait : « Once admired for the dominating excellence of its writers, artists and musicians, France today is a wilting power in the global cultural marketplace » (Morrisson 2007)[5].

En effet, en ce qui concerne la littérature française et son rayonnement par le biais de la traduction, les statistiques montrent que non seulement elle a cédé depuis longtemps sa première place à la littérature anglaise et américaine, mais aussi que, en deuxième position, elle est concurrencée par la littérature traduite de l’allemand (Sapiro 2008). Ce relatif déclin ne signifie cependant pas une disparition totale : d’une part, du fait de son ancienneté et de son prestige, la littérature française occupe toujours une bonne place sur le marché international des livres classiques (Sapiro 2012: 37) ; d’autre part, chaque année, de nouveaux titres (et auteurs) paraissent en France, et une partie de ces nouveautés devient accessible au public étranger par la voie de l’extraduction.

Telle est aussi sa situation en Pologne. Parmi les 200 titres traduits du français publiés en moyenne chaque année depuis 1989[6], les œuvres de Jules Verne, Alexandre Dumas, Antoine de Saint-Exupéry, Honoré de Balzac, Albert Camus ou Marcel Proust sont toujours en tête de liste. Les rééditions de traductions anciennes ou de nouvelles traductions d’une même œuvre témoignent de la valeur attachée aux auteurs « classiques » et à la « grande » littérature française, la littérature française « canonisée ». Elles restent aussi la toile de fond, plus ou moins immuable, des traductions d’œuvres d’auteurs français contemporains.

2. Principes de constitution de la liste des romans français contemporains traduits

 L’appartenance des œuvres traduites à la catégorie « roman français contemporain » demande une définition de ce qui est contemporain, mais aussi – de ce que l’on considère comme français. Ces définitions sont nécessaires pour éclaircir les principes qui ont guidé le choix des données analysées, qui sont – rappelons-le – des données bibliographiques de traductions publiées comme livres[7].

La liste des traductions a été dressée à partir des données des catalogues de la Bibliothèque Nationale polonaise (BNP) recoupées par la consultation de ceux de la Bibliothèque de l’Université de Wrocław (BUWr)[8], et complétées, au besoin, par des informations tirées des sites Internet des éditeurs. Ont été sélectionnées les œuvres dont la description bibliographique mentionne : a. la traduction (tłumaczenie polskie, tłumacz) ; b. le genre et l’origine : roman français (powieść francuska) ; c. la date de publication en polonais : de 2001 à 2015.

Les données relatives aux « genre et origine » de certaines œuvres varient selon les catalogues : ainsi un roman de Nancy Huston est classé comme roman canadien de langue française à la BUWr et comme roman français à la BNP ; Łaskawe (Les Bienveillantes) de Littell est un roman américain selon la BUWr, et un roman américain et roman français pour la BNP ; les œuvres de Mabanckou sont des romans, respectivement, français, africains ou congolais en langue française à la BUWr, mais congolais à la BNP. Les données peuvent aussi varier à l’intérieur du même catalogue : ainsi, à la BUWr, le roman Cesarzowa (Impératrice) de Shan Sa est classé comme roman français, mais la notice de Konspiratorzy (Les conspirateurs), de la même auteure, contient l’information « roman d’espionnage français – auteurs d’origine chinoise ». Certains romans de Nothomb sont classés comme français, d’autres comme belges de langue française, dans les deux bibliothèques.

Ces hésitations, incohérences ou disparités sont probablement dues à l’incertitude des bibliothécaires, désormais exposés à l’émergence d’un phénomène complexe et important : la « dénationalisation de la littérature » (Sapiro 2014: 72-75), avec pour corollaire la « naissance d’une littérature-monde en français »[9]. En effet, « la langue française est une langue partagée. Plusieurs littératures, très différentes entre elles, l’écrivent », constatent les auteurs d’une synthèse sur la littérature française contemporaine. Ils signalent aussi la difficulté que cette situation entraîne lors du travail sur la « littérature française » et précisent que dans leur ouvrage, les paramètres décidant de l’inclusion d’un auteur dans cette littérature ont été le lieu de publication et de réception de l’œuvre : la France (Viart, Vercier 2008: 9-10).

Ce critère, très convaincant, ne se laisse cependant pas appliquer dans une étude basée sur les données des catalogues : ceux-ci ne donnent pas systématiquement d’information sur le lieu de publication, et lorsqu’il est indiqué, c’est celui de l’édition qui a servi de base à la traduction, différente parfois de la première édition de l’œuvre. Aussi, dans la liste étudiée, retrouvera-t-on des romans classés comme français dans au moins un des catalogues-sources.

La notion de contemporain suscite elle aussi des incertitudes : « une large part du malaise provoqué par le contemporain, dans une perspective historique, est fondée sur l’incapacité à saisir cette période » (Audet 2009: 13; voir aussi Ruffel 2010 ; Rousso 2016) ; cette incapacité vient de la nature complexe ou de la spécificité de la contemporanéité, dans laquelle le passé et le présent se suivent et coexistent en même temps, ou encore dans laquelle s’installe « une singulière relation avec son propre temps, auquel on adhère tout en prenant ses distances » (Agamben 2008: 11, cité après Havercroft, Michelucci, Riendeau 2010: 8).

Dans cette étude, la notion doit servir d’outil de discrimination du matériel analysé, un outil de périodisation, qui demande une indication précise de la date à partir de laquelle une œuvre ou un auteur sont considérés comme contemporains. Les ouvrages consacrés à la littérature des dernières décennies insistent sur l’importance des années 80 du siècle dernier : la littérature « au présent » est « celle qui a commencé de naître au début des années 1980 et qui continue d’évoluer autour des mêmes enjeux » (Viart, Vercier: 9) ; c’est un temps où « une conjonction des crises » (Touret (dir.) 2008: 429) marque une rupture, ou l’ouverture d’une période littéraire dans laquelle se manifestent de nouvelles formes et de nouveaux enjeux de la création fictionnelle (romanesque). Pour en souligner le caractère « présent », on utilise aussi le terme « extrême contemporain », en le dotant parfois d’un sens qui dépasse son utilisation « chronologique » ou « périodisante » : « […] si on le considère en tant que notion critique, l’extrême contemporain se présente telle une possibilité supplémentaire pour mieux comprendre notre rapport à la contemporanéité. » (Havercroft, Michelucci, Riendeau 2010: 8).

Dans ce travail cependant, réduire le matériel à des œuvres originales publiées en 1980 et dans les années suivantes conduirait à amputer le corpus d’une partie des traductions publiées en Pologne dans les années 2001–2015 – et par conséquent, d’une partie de ce qui constitue la représentation de la création romanesque française contemporaine construite par les choix des éditeurs polonais. L’outil discriminatoire a donc été non pas la date de publication des œuvres, mais une donnée de la biographie de l’auteur : ainsi, sont considérés comme contemporains les romans dont l’auteur est en vie, ou l’était encore dans les années 2000, et peut (a pu) intervenir dans la promotion transnationale de ses œuvres.

La liste comprend aussi les nouvelles éditions de traductions publiées avant l’an 2000 et republiées dans la période 2001–15, parfois chez un nouvel éditeur ; parmi celles qui ont été faites après l’an 2000, seules les premières éditions sont prises en considération, même si certaines œuvres ont été rééditées plusieurs fois. Ainsi, l’analyse des données véhiculées par la liste – soumise aux questionnements suivants : (1) quels titres et quels auteurs français (ou considérés comme tels) ont été sélectionnés pour être traduits et (re)publiés en polonais dans la période indiquée ? (2) par quels éditeurs ? – devrait-elle permettre d’atteindre l’objectif de cette étude, celui de décrire la représentation de la littérature française contemporaine générée par les traductions polonaises publiées en ce début du XXIe siècle.

3. Qui traduit-on? Que traduit-on?

3.1. Observations générales

Les résultats des premières observations de la liste ont un caractère quantitatif : 582 œuvres de 261 auteurs ont été publiées par 62 éditeurs. Concernant les auteurs, la grande majorité (206) n’ont qu’un ou deux titres traduits en polonais (graphique 1). Près d’un quart des titres publiés (149, soit 25,60 pour cent) sont l’œuvre de dix auteurs (graphique 2), et 101 autres titres, celle de 16 auteurs (tableau 2). Ainsi, pourrait-on dire que 250 œuvres (soit 43 pour cent de la totalité), écrites par 26 auteurs (soit 10 pour cent) et publiées par 12 éditeurs (soit 19,35 pour cent) donnent le ton à la présence de la littérature française en Pologne.

Graphique 1 : Nombre de titres selon l’auteur (jusqu’à dix titres)

Avant de passer à des analyses plus détaillées, il n’est pas inutile de signaler l’âge et le sexe des auteurs traduits en polonais. Ainsi, si la liste contient des auteurs nés dans la première moitié du XXe siècle (une quarantaine), la majorité sont des quinquagénaires (nés dans les années 60), près d’une trentaine sont des quadragénaires, et ceux qui sont nés dans les années 80 (deux) apparaissent déjà ; on constate ainsi que la plupart des romans traduits appartiennent à l’extrême contemporain. Un tiers (32 pour cent) des titres traduits ont été écrits par des femmes. Certaines sont nées dans la première moitié du XXe siècle (Benzoni, Groult…), mais les auteures se retrouvent surtout dans le groupe des quinquagénaires et leur nombre augmente avec le temps, ce qui correspond à la visibilité croissante des femmes sur la scène littéraire française.

3.2. Les auteurs les plus traduits : le top de la liste

Graphique 2 : Auteurs français les plus traduits et publiés (dix titres et plus)

L’analyse de la présence polonaise des auteurs qui viennent en tête de liste révèle quelques phénomènes importants :

(1) Les auteurs les plus traduits sont à situer plutôt dans le domaine de ce que, depuis Bourdieu (1971), on appelle « le champ de grande production », celui des biens ajustés à une demande préexistante parce que régi par l’impératif économique. Dans un autre ordre d’idées, on pourrait parler de littérature « concertante » ou « consentante », celle qui « consent à occuper la place que la société préfère généralement lui accorder, celle d’un art d’agrément […] » et qui s’oppose à la littérature « déconcertante », celle qui « ne cherche pas à correspondre aux attentes du lectorat mais contribue à les déplacer » (Viart, Vercier 2008: 10 -12) [10]. À côté des séries de romans d’espionnage de Gérard de Villiers, ce sont les cycles de romans historiques de Max Gallo, Christian Jacq ou Juliette Benzoni, les best-sellers mondialisés de Marc Levy et Guillaume Musso (« deux auteurs en mode start-up », selon Loubière 2019) ou les romans à suspense et les policiers de Maxime Chattam qui dominent la liste ; la présence parmi eux du prix Nobel Le Clézio ne fait que souligner cette prédominance de la production de diffusion massive à vocation de divertissement.

Si Le Clézio est le seul à avoir reçu la consécration suprême (en plus d’autres prix « institutionnels »[11]), d’autres écrivains se sont vus attribuer un siège à l’Académie Française (Gallo), des « anti-prix », comme le Grand Prix des lectrices de Elle (Werber), ou se sont trouvés en tête des meilleures ventes et ont été traduits dans des dizaines de langues. Ainsi, tous ont d’une manière ou d’une autre atteint une certaine consécration littéraire.

La représentation féminine est très faible (un seul nom de femme dans le groupe de dix auteurs, voir graphique 2) ; les âges des auteurs en revanche semblent plus équilibrés (cinq sont nés avant 1950, deux en 1960, deux dans les années 1970).

Le tableau 1 montre le résultat de la tendance des éditeurs polonais à détenir le monopole d’un auteur (relation d’exclusivité)[12] : ainsi, Chattam n’est publié que par Sonia Draga, Benzoni par Wydawnictwo Bis, Levy et Musso principalement par Albatros, Gallo est partagé entre Rebis et WAM. Dans certains cas, on peut constater aussi la même relation entre auteur, éditeur et traducteur (Gallo, Benzoni, Musso). Il faut remarquer cependant que certains titres sont des rééditions de traductions préexistantes chez le même éditeur (Le Clézio publié par PIW ou Pax) ou chez un autre éditeur (Benzoni).

Auteurs

Éditeurs

Traducteurs

Benzoni Juliette

Wydawnictwo Bis

Barbara Radczak ; Lidia Bazańska

Jacq Christian

Świat Książki (10) ; Libros (10) ; Noir sur Blanc (4)

 

Schmitt Eric-Emmanuel

Znak

 

Chattam Maxime

Sonia Draga

 

Gallo Max

Rebis

Jerzy Kierul

WAM

Agnieszka Trąbka

Villiers Gérard de

Twój Styl

 

Musso Guillaume

Albatros Andrzej Kuryłowicz

Joanna Prądzyńska

Marc Levy

Albatros Andrzej Kuryłowicz,

Świat Książki (2)

Joanna Prądzyńska, Krystyna Szeżyńska-Maćkowiak

Le Clézio Jean-Marie Gustave

PIW 5, Pax 1, WAB 3 Cyklady 1

 

Werber Bernard

Sonia Draga 8, Muza 1, Videograf 1

 

Tableau 1 : Les auteurs et leurs éditeurs

3.3. Les auteurs les plus traduits : de cinq à neuf titres

Si, dans le groupe des seize qui ont à leur actif cinq à neuf titres publiés en Pologne (tableau 2), on retrouve aussi bien les auteurs consacrés par l’institution littéraire (prix Nobel, Goncourt, Renaudot, siège à l’Académie Française…) que par les lecteurs (divers prix de lecteurs, meilleures ventes), les proportions sont ici différentes entre les titres qui relèvent de la « littérature concertante » et de la « littérature déconcertante ». De même, la représentation des différentes tranches d’âge change : si, parmi les seize auteurs (dont deux femmes), il y en a encore quatre nés avant 1950, ce sont les sexagénaires (qui ont débuté dans les années 1980 et dont les œuvres peuvent être situées dans l’extrême contemporain) qui dominent (six auteurs).

Auteurs

Nombre de titres

Prix

institutonnels

Druon Maurice

9

Goncourt 1948

Gavalda Anna, Japrisot Sébastien

7

 

Modiano Patrick

Goncourt 1978

Nobel 2014

Besson Philippe, Frèches José, Grangé Jean-Christophe, Pancol Katherine

6

 

Echenoz Jean, Houellebecq Michel, Lemaitre Pierre, Makine Andreï, Quignard Pascal

Goncourt

Sardou Romain

5

 

Carrère Emmanuel, Claudel Philippe

Femina, Renaudot

Tableau 2 : Les auteurs les plus traduits 

Les observations qui précèdent, portant sur 250 titres de 26 auteurs, permettent ainsi de dresser un premier portrait de la littérature française. Elle apparaît comme écrite essentiellement par des hommes, pour la plupart d’âge mûr ou avancé. Les grandes œuvres consacrées, voire canonisées (écrites exclusivement par des hommes), y côtoient la production à succès, qui présente des traits autres que ceux qui prévalent dans la littérature légitimée : polars, romans à sensation, romans d’espionnage, romans chick lit… dont l’efficacité narrative, basée sur des représentations collectives, permet d’adhérer facilement à un discours simplifié sur le monde à un moment déterminé.

4. Affiner l’image…

Les observations portant sur les œuvres qui n’appartiennent pas au « palmarès » étudié ci-dessus permettent d’affiner de quelques traits l’image de la littérature française basée sur son intraduction dans l’espace éditorial polonais.

4.1. Littérature plus jeune et plus féminine

Si, dans le groupe des 26 auteurs étudiés plus haut (les plus traduits), trois seulement sont nés dans les années 1970, cette tranche d’âge est bien plus présente dans le cas du groupe des auteurs ayant à leur compte un à quatre titres publiés en traduction polonaise. Les graphiques 3A et 3B, quant à eux, rendent compte de la forte présence des femmes dans ce groupe :

Graphiques 3. (A) : Relation nombre d’auteurs femmes vs hommes
(B) : Nombre de titres selon le critère du sexe de l’auteur

4.2. Littérature consacrée ou industrielle ?

L’analyse révèle que la consécration institutionnelle est toujours un facteur important dans les choix des éditeurs[13]. L’exemple du prix Goncourt est probant : tous les romans qui l’ont reçu sont accessibles aux lecteurs polonais et ont été publiés dans les trois ans. Mais le graphique 4, qui présente les vingt éditeurs qui ont publié au moins neuf titres, montre une forte présence des maisons considérées comme des « fabriques de best-sellers », qui misent sur les meilleures ventes et dont l’activité, obéissant aux règles de la littérature standardisée et soumise aux goûts des lecteurs, s’inscrit dans les tendances globales (Sonia Draga, Albatros, Świat Książki, Amber, Książnica). Les maisons dont les catalogues contiennent principalement des ouvrages qui permettent d’accumuler du capital symbolique sont une minorité, et ce capital est déjà fort dans leur cas, puisqu’il s’agit d’éditeurs prestigieux qui existaient déjà dans les années 1940 ou 1950 : Czytelnik, PIW, Wydawnictwo Literackie… ou de nouvelles maisons de niche, comme Sic![14].

Graphique 4 : Éditeurs ayant publié neuf titres ou plus

4.3. De curieux rattrapages

Si la moyenne du temps écoulé entre la publication de l’original et la sortie de la traduction est de trois ans – un délai qui garantit l’actualité de la littérature française accessible en Pologne –, on peut constater aussi que le phénomène de rattrapage, si caractéristique de la production éditoriale polonaise dans les années 90 (Skibińska 2009), n’a pas encore disparu. En témoignent les romans de Jeanne Bourin, La chambre des dames (1979), qui a attendu 34 ans avant d’être publié en polonais, et sa suite, Le jeu de la tentation, sorti en 1981 et traduit en polonais 33 ans plus tard.

Les titres dont la traduction et/ou réédition tardive pourrait susciter un certain étonnement sont ceux de deux livres d’Emmanuelle Arsan (Emmanuelle. Livre 1, La Leçon d’homme, 1967 ; 2013[15] ; L’Antivierge, 1968 ; 2014, tous deux publiés dans la collection Erotica de Grupa Wydawnicza Foksal) et Histoire d'O de Pauline Réage, sorti en 1954 et publié en 2013 par la maison Amber (coll. Bestsellery literatury erotycznej [Bestellers de la littérature érotique][16]). Si l’on pense que la traduction polonaise de Fifty shades of Grey est sortie en septembre 2012, on comprend facilement que la publication de ces classiques de la littérature érotique française se fait dans la foulée du best-seller anglais et s’inscrit dans une mode pour ce genre littéraire. D’ailleurs, la même année, Amber publie aussi L’appel du désir d’Éric Mouzat et Le manoir d’Emma Cavalier, des ouvrages plus récents[17].

4.4. Littérature française ?

La question de la « dénationalisation de la littérature » a déjà été mentionnée plus haut. Une des manifestations du phénomène est la présence dans la liste de noms d’auteurs à consonance non française : Andreï Makine, Mariella Righini, Jonathan Littell, Atiq Rahimi, Shan Sa… Ils appartiennent à un groupe grandissant d’écrivains qui se sont installés pour un temps en France et y ont publié en français, certains ayant même été consacrés par le prix Goncourt. Or, il y a lieu de rappeler que c’est après l’attribution de ce prix aux Bienveillantes que Le Monde des livres a publié en mars 2007 son manifeste annonçant la « naissance d’une littérature-monde en français », c’est-à-dire d’une littérature incluant les œuvres écrites en français en dehors des frontières de la France et par des « non Français».

Cependant, il semble que le cachet « français » ait perdu son pouvoir d’attirer le lectorat : aucun éditeur n’a dans son catalogue une collection comprenant uniquement des romans français[18] ; ceux-ci font partie de collections variées, telles Kalejdoskop [Kaléidoscope] de Muza, Biblioteczka Interesującej Prozy [Petite bibliothèque de prose intéressante] de Prószyński ou Mroczna Seria [Série sombre] de W.A.B (Foksal), dans lesquelles ils côtoient des ouvrages polonais et des traductions de diverses langues. Ils sont publiés aussi hors collections.

5. Conclusion

Cette revue des œuvres de romanciers français contemporains traduites et publiées en Pologne dans les années 2001-2015 permet d’abord de réagir à la constatation pessimiste de Lech Budrecki : non, les éditeurs polonais ne sont pas réticents à publier de la littérature française. Ils y trouvent de la matière susceptible de satisfaire aussi bien les lecteurs à la recherche de réflexion profonde sur le monde que ceux qui cherchent simplement à se divertir ou à frémir d’émotion à la lecture des best-sellers internationaux d’un Musso, d’un Chattam ou d’une Pancol. Ce qui contredit la conviction que seule la littérature populaire américaine peut « cartonner » auprès des lecteurs polonais.

On peut constater aussi que l’offre éditoriale polonaise présente une littérature française en mutation : le nombre croissant des écrivaines, le répertoire des genres enrichi par des nouveautés (chick littérature, nouvelles variantes de polars, thrillers…), des noms « venus d’ailleurs » en témoignent. L’intraduction permet aussi de rendre compte de phénomènes qui semblent caractéristiques de cette littérature : diverses facettes de l’individualisme qui se manifestent d’un côté par la célébration hédoniste du quotidien de Philippe Delerm et, de l’autre côté, par le « pessimisme cynique » de Michel Houellebecq ; l’attachement à la tradition du roman historique (Jeanne Bourin, Françoise Chandernagor) et, parallèlement, de nouvelles façons d’écrire l’Histoire (Philippe Claudel, Patrick Modiano, Sébastien Japrisot) ; l’exploitation des possibles qu’offre le roman policier, genre relativement ancien, mais considéré comme une des « principales innovations du XXe siècle dans le domaine de la fiction » (Boltanski 2016: 21), bien présents dans les catalogues (Jean-Patrick Manchette, Claude Izzo, Philippe Djian, Fred Vargas…).

Ainsi peut-on considérer que même si la recherche de placements sûrs, c’est-à-dire de valeurs consacrées par des prix ou des chiffres de vente importants en France et à l’étranger semble la motivation principale des éditeurs, une partie de l’intraduction peut être considérée comme effet de résistance au diktat du marché.

Une telle image surgit des données des catalogues; ils forment cependant un objet d’observation de la « surface », privilégiant une approche quantitative. Des observations en « profondeur », de caractère qualitatif (enquêtes, entretiens, études des matériaux conservés dans les archives des maisons d’édition et/ou des traducteurs), seraient nécessaires pour mieux saisir la Frenchness des éditeurs polonais et les enjeux de ces médiateurs culturels qui, par leurs décisions concernant la publication des traductions, contribuent à la formation de représentations des autres dans la culture d’accueil. 

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Notes

[1] La « résurgence du romanesque» est considérée comme un phénomène qui marque la littérature française « au présent » (Viart, Vercier 2008: 5). Précisons qu’il s’agit du roman et de ses sous-genres pour adultes, la littérature pour les jeunes lecteurs constituant un autre secteur de la production éditoriale, régi par des mécanismes qui lui sont propres (voir Paprocka 2018).

[2] L’« intraduction » signifie l’importation littéraire sous forme de traduction, 1’« extraduction », l'exportation sous forme de traduction (Ganne, Minon 1992: 58). Sur le rôle du médiateur culturel voir  D'hulst, Gonne, Lobbes, Meylaerts, Verschaffel (2014).

[3] Les analyses des péritextes éditoriaux le confirment ; ainsi, une analyse des quatrièmes de couverture des romans français publiés en Pologne montre que, lues ensemble, elles construisent l’image d’une littérature qui attire un large lectorat français et international, qui touche des questions vitales du monde contemporain, qui le fait de façon innovante, souvent avec raffinement (Skibińska 2011). Les quatrièmes de couverture des livres publiés dans la collection « Pavillons. Domaine de l’Est » (Robert Laffont), considérées ensemble, forment pour le lecteur francophone une narration sur l’histoire de la littérature des pays est-européens et en construisent une image particulière : elle forme un bloc peu différencié, mais frappé de cette spécificité locale qu’est le poids de l’histoire qui pèse sur les gens et les littératures (Skibińska 2014). Voir aussi Torres (2002), Paprocka (2015), Schwartz (2018).

[4] Frisani parle de Frenchness : « une » catégorie utilisée au sein de milieux éditoriaux britanniques pour désigner une certaine représentation qu’ils se font de la littérature française » (Frisani 2012 :128). Cette représentation, qui conditionne les décisions des éditeurs, se répercute sur la façon de percevoir cette littérature par le lectorat.

[5] L’article a provoqué, en France, de nombreuses réactions, et a été suivi du livre de Morrison, Compagnon (2008).

[6] L’année des bouleversements politiques et économiques qui ont remodelé aussi le marché éditorial polonais. Sur la place de la traduction sur ce marché voir Skibińska (2009), et sur la traduction du français – Skibińska (2010).

[7] Sur l’utilisation des données bibliométriques et bibliographiques dans l’étude sur la traduction voir Poupaud, Pym et Torres Simón (2009).

[8] Les deux bibliothèques sont dépositaires du dépôt légal. Une partie des ressources provenant des catalogues de la Bibliothèque nationale ont été collectées par Oliwia Ostrowska pour son mémoire de maîtrise (Ostrowska 2019). Nous la remercions de nous avoir donné accès à ces données.

[9] C’est ainsi que le nomment les signataires d’un manifeste publié dans Le Monde des livres en mars 2007, persuadés que « la langue libérée de son pacte exclusif avec la nation, libre désormais de tout pouvoir autre que ceux de la poésie et de l’imaginaire, n’aura pour frontières que celles de l’esprit ». Et que « le centre, ce point depuis lequel était supposée rayonner une littérature franco-française, n’est plus le centre » (Le Bris, Rouaud 2007).

[10] On pourrait enfin parler de la paralittérature ou « ensemble disparate des productions imprimées fictionnelles à diffusion massive et vocation de divertissement, dont la valeur esthétique se trouve uniment niée par ce que l’on a coutume de nommer l’institution littéraire » (Huybrechts). Voir aussi Letourneux 2017.

[11] L’« institution » est comprise ici comme « un ensemble de normes qui définissent une légitimité, c’est-à-dire l’intériorisation collective d’un rapport de forces » (Glinoer). Les prix « institutionnels » sont ici les prix Goncourt, Renaudot, Femina, Médicis, Interallié et le Grand Prix du Roman de l’Académie française, attribués chaque année entre novembre et décembre et appelés « les prix d’automne ».

[12] Tendance qui inscrit l’édition polonaise dans le mouvement mondial.

[13] Sur le rôle des prix littéraires français comme facteur favorisant la sélection des œuvres à traduire, voir Tomicka 2010.

[14] Sur la structure du champ éditorial polonais, voir Marecki (éd.) (2014).

[15] Réédition d’une traduction publiée en 1991 par la maison Wydawnictwo Łódzkie.

[16] Réédition d’une traduction publiée en 1992 par la maison Spacja.

[17] On remarque l’absence des romans publiés par les Éditions Hors Collection dans la collection « L’instant érotique » inaugurée en 2010. Parmi les auteurs, on trouve Emmanuel Pierrat, Tran Arnault et Paule Angélique, « tous les trois professionnels du monde de l’édition et spécialistes de l’art et la littérature érotique […] auteurs qui, de par leur activité professionnelle, se situent, par rapport à la littérature érotique, au niveau du métatexte ou du métalangage » (Swoboda 2013: 60).

[18] La seule collection qui renvoie, par son nom, au français est Literatura frankofońska [Littérature francophone] publiée par la maison Dialog dont la vocation principale est de publier des livres portant sur les cultures asiatiques et africaines ([url=https://wydawnictwodialog.pl/about-publishing-house,2,5.htm]https://wydawnictwodialog.pl/about-publishing-house,2,5.htm[/url]., consulté le 12 décembre 2019). On peut mentionner ici Heksagon, collection créée par la maison Amber au début des années 1990 pour intraduire uniquement des auteurs français (avec Pennac, Maalouf, Agota Kristof, d’Ormesson...), qui, cependant, n’a pas fait long feu.

©inTRAlinea & Elżbieta Skibińska (2020).
"Entre les livres à succès et la littérature « déconcertante » : le roman français contemporain à travers son intraduction polonaise (2001–15)", inTRAlinea Vol. 22.
Stable URL: https://www.intralinea.org/archive/article/2526