Texte spécialisé et terminologie
By Pierre Lerat (Université Paris XIII, CNRS)
Abstract
English:
The recourse to specialised texts is not sufficient in terminology. It helps to solve the question of the real use of terms and that of the combination of terms, but following a good selection of texts, paying attention to the progressive conceptualisation of objects (concrete or abstract) as well as the distinction between what is advisable and what is possible. Lerat proposes here to favour the specialised predicate-argument (s) pairs validated by professionals, as Harris did with the “subject-matter sublanguage” of immunology.
French:
Le recours aux textes spécialisés ne suffit pas en terminologie. Il aide à résoudre la question de l’usage effectif et celle de la combinatoire des termes, mais au prix d’une bonne sélection des textes, d’une attention aux conceptualisations évolutives des objets (concrets ou abstraits), et aussi d’une distinction entre le recommandable et le possible. Il est proposé ici de privilégier les couples prédicat-argument(s) spécialisés validés par les professionnels, à la façon de Harris face au «subject-matter sublanguage» de l’immunologie (1988).
Keywords: normative terminology, textual terminology, combinatorial terminology, expertise, maintenance, terminologie normative, terminologie textuelle, terminologie combinatoire, lexicology and terminology
©inTRAlinea & Pierre Lerat (2009).
"Texte spécialisé et terminologie"
inTRAlinea Special Issue: Specialised Translation I
Edited by: Danio Maldussi & Eva Wiesmann
This article can be freely reproduced under Creative Commons License.
Stable URL: https://www.intralinea.org/specials/article/1732
L’artificiel est du naturel suscité (Simondon, 2008: 256).
1. Introduction
La terminologie textuelle est-elle une vraie ou une fausse révolution ?
Le texte spécialisé est-il fournisseur ou utilisateur de terminologie ?
La terminologie normative est-elle dépassée ?
Au moment de la conclusion, j’essaierai de répondre correctement à ces questions. Pour cela, il faut d’abord faire le point sur la terminologie normative, qui est la plus ancienne, puis sur la terminologie textuelle. Il faut aussi proposer d’intégrer aux sciences du langage une terminologie combinatoire, rendue possible par la terminologie textuelle et profitable à la terminologie normative.
2. La terminologie normative
Je laisse de côté l’aménagement terminologique, qui relève des politiques linguistiques internationales, nationales et d’entreprises, et qui concerne avant tout le choix des termes. La terminologie à l’ISO et autour représente une tradition à base d’étude des objets et des concepts techniques à titre principal, ou du moins préalable. Elle est liée au «mode d’existence des objets techniques», (Simondon, 1958: titre) dont la place dans la culture est mieux perçue depuis que les entreprises et les services ont pris conscience des enjeux de la qualité au sens du «sans faute».
L’état de l’art dans la terminologie normative est parfaitement compatible avec une linguistique formelle: je vais le montrer en rappelant les définitions actuelles des concepts de base en terminologie et en les confrontant à des affirmations du linguiste américain Zellig Harris dans un livre consacré en partie à l’analyse d’un corpus d’immunologie[1].
2.1. Objet
Est objet «tout ce qui peut être perçu ou conçu» (ISO 1987-1, 2001); «the meaning of a word is its association with certain objects or states in the world whitch are called its referents» (Harris, 1988: 63).
2.2. Caractère
Un caractère est la «représentation mentale d’une propriété d’un objet» (ISO). Les caractères sont à la base des ontologies au sens des sciences pour l’ingénieur. Ce sont des propriétés reconnues aux objets dans une communauté de pratiques, des vérités reconnues dans un univers de discours spécialisé. Harris utilise le mot property sans citer d’exemples, parce que l’immunologie est un corps de connaissances qui n’est pas le sien. Les caractères des arômes (et non pas les sèmes du mot arôme) sont les mêmes pour l’UE et pour la FAO.
Ex.: au sens du règlement 1334/2008[url=#1][2][/url], un arôme est ajouté à des denrées alimentaires, il en modifie l’odeur et/ou le goût, il n’est pas destiné à être consommé en l’état ; la FAO (CAC/GL 66-2008) énonce les mêmes caractères (elle indique des restrictions, que l’UE mentionne à part, pour alléger la définition).
2.3. Concept
Le concept est une «unité de connaissance créée par une combinaison unique de caractères» (ISO); «a sense, i.e. the properties common to its possible set of referents» (Harris, 1988: 64).
De telles définitions ne sont pas applicables à la «couche primordiale de concepts» qui constitue «notre ontologie naturelle partagée» (Gross et Prandi, 2004: 12), par exemple des universaux tels que le but ou la cause; elles sont faites pour rendre compte du «naturel suscité» (concepts scientifiques, objets manufacturés etc.).
Ex. 1: «arôme de fumée»: «produit obtenu par fractionnement et purification d’une fumée condensée» (UE, R. 1334/2008).
Ex. 2: «aromatisants de fumée»: «mélanges complexes de constituants de fumée obtenus (…) en soumettant la fumée de bois à un procédé d’extraction aqueuse ou de distillation, de condensation et de séparation» (FAO, CAC/GL 66-2008).
La première définition est plus commerciale par son définisseur générique, la seconde plus chimique. Les conceptualisations diffèrent, les dénominations diffèrent, c’est l’objet commun qui impose un socle de propriétés communes.
2.4. Terme
Le terme est la «représentation d’un concept par un signe qui le désigne» (ISO); il s’agit de «specific words for objects» (Harris, 1988: 53).
Les termes peuvent avoir des synonymes dès lors que leurs définitions sont les mêmes; c’est le cas des dénominations des amortisseurs chez un constructeur de motos[url=#1][3][/url] ou, dans les normes de l’UE, de la synonymie stipulée explicitement entre prodotto alimentare, alimento et derrata alimentare (UE, R. 178/2002). La spécificité ne veut pas dire unicité: il s’agit dans chaque cas de mots spécifiques par la conceptualisation de leur référent (commerciale ou nutritionnelle). Voici des exemples de termes liés à des communautés de pratiques différentes.
Ex.: dans l’UE, it. aromatizzante di affumicata = fr. arôme de fumée = es. aroma de humo ; à la FAO, fr. aromatisants de fumée = es. aromatizantes que dan sabor ahumado.
2.5. Domaine
Un domaine est une «partie du savoir dont les limites sont définies selon un point de vue particulier» (ISO); «Subject-Matter-Sublanguages (…) when what is said is limited to what seems relevant for the field» (Harris, 1988: 37). Il s’agit dans les deux cas d’un domaine de connaissance; il convient d’en distinguer les «communautés de pratiques»[url=#1][4][/url], par exemple la Commission de Bruxelles ou telle usine.
2.6. Hiérarchies
Sur ce point les approches diffèrent. Les analyses du sens lexical se font souvent en termes de «composants sémantiques», «éléments plus petits qui entrent dans le sens global d’une unité lexicale» (L’Homme , 2004: 91). Harris, au contraire, propose une approche «en extension», en termes de «classifieurs». Dans toutes les langues, on utilise des «classifiers instead of specific words for objects» (Harris, 1988: 53); par exemple, dans un énoncé comme «Jean et François sont partis. Les deux garçons étaient en retard» (Harris, 1976: 224), garçon est un classifieur. Ce n’est pas pour autant un hyperonyme en intension, mais dans l’univers de discours considéré les porteurs de prénoms masculins sont assez jeunes pour faire partie de la classe référentielle des garçons.
Les classifieurs techniques sont des termes au sens de la terminologie. Produit est un terme commercial, mélange un terme chimique. L’extension chimique du concept d’ «aromatisant de fumée» est spécifiée à la fin de la définition de la FAO :
les principes aromatisants principaux sont les acides carboxyliques, les composés des groupes carbonyles et les composés phénoliques.
Ce qui serait encyclopédique dans un dictionnaire de langue est tout simplement l’aspect pratique; l’UE n’en dit rien en 2008, mais renvoie au règlement 2065/2003, dont l’annexe I fournit les mêmes précisions, rendues opérationnelles par les dosages autorisés.
Ainsi, on commence à voir comment la terminologie peut se rapprocher de la linguistique formelle. Il lui faut s’éloigner de l’«appel à l’intuition» (L’Homme, 2004: 91) qui est la talon d’Achille de la sémantique introspective et le père de toutes les isotopies. La prise en compte du référent rejoint le «réalisme naïf» sans lequel il n’y a pas de preuve empirique. L’autre faiblesse de la terminologie normative est qu’elle est «essentiellement paradigmatique» (Slodzian, 2000: 74), alors que l’exploitation de textes spécialisés peut la renouveler si l’on propose une méthodologie combinatoire.
3. La terminologie textuelle
La terminologie textuelle est encore relativement récente, mais on peut déjà constater qu’elle n’a ni mis fin à la terminologie normative ni résolu tous les problèmes d’une terminologie «lexicale», «issue directement d’exploitation de documents» (Depecker et Roche, 2007: 112).
Si l’on esquisse un bilan provisoire, sans préjudice des espoirs que l’on peut mettre dans la «terminologie computationnelle» et dans la «terminotique» (voir L’Homme, 2004: 17), plusieurs observations peuvent être faites.
3.1. La prolifération des logiciels
Il suffit de confronter deux manuels, celui de Pavel et Nolet (2001, Canada) et celui de L’Homme (2004, Québec), pour constater des recommandations de logiciels différents en fonction de critères divers. En fait, les deux fonctions essentielles pour la fouille de textes restent celles que l’on peut attendre d’un automate appliqué à des chaînes de caractères: le calcul des fréquences et l’accès rapide à des concordances. Depuis que l’on trouve couramment sur le Web des textes au format .pdf, des gains de temps et d’argent sont réalisables.
3.2. Le vieillissement des corpus
«Les corpus textuels de spécialité vieillissent rapidement», observe T. Lino (2006: 510). Qui pourrait croire qu’un terme aussi banal que nectar de fruits ait eu une définition officielle aussi évolutive en peu d’années (voir Lerat, 2009) ? Là aussi, l’exploitation raisonnée du Web est d’un grand secours.
3.3. Le besoin de recourir à des «ressources externes» (L’Homme, 2004: 223)
Aucun corpus spécialisé ne comporte en lui-même toutes les connaissances nécessaires à sa compréhension. Harris a tenu compte de cette évidence en demandant à ses frères et à d’autres immunologistes de lui fournir «un lexique prédéfini d’opérandes» (Habert et Zweigenbaum », 2002: 93), autrement dit un vocabulaire de l’immunologie, pour qu’il puisse comprendre le corpus. Certes, «le corpus d’immunologie a été analysé à la main» (même page) mais, quels que soient les logiciels, on ne va pas loin si l’on ne connaît pas le domaine et la communauté de pratiques.
3.4. Les problèmes épistémologiques posés par l’ «extraction de termes»
Il est extrêmement difficile d’automatiser entièrement l’extraction de termes (L’Homme, 2004: 166).
C’est le moins qu’on puisse dire, pour trois raisons simples : les «candidats termes» sont des chaînes de caractères inégalement pertinentes, inégalement prévisibles et souvent polysémiques.
3.4.1. La pertinence relative des fréquences
Ex. : la sécurité des aliments est l’un des soucis majeurs de la Commission dans le règlement de 2008, mais sicurezza (16 fois) reste moins fréquent que Commissione (18 fois)
3.4.2. La pertinence relative des cooccurrences
Les termes qui ont les mêmes cooccurrents risquent fort de former des classes sémantiques.
Cette affirmation de l’Homme (2004: 217) est vraie à deux conditions : que la notion de «classe sémantique» ne soit pas intuitive et que le corpus soit très spécialisé. Sinon, les aléas sont ceux des «classes d’équivalence» au sens de l’analyse de discours issue du premier Harris. Le linguiste M. Gross a depuis longtemps signalé le risque de manque de rigueur:
Chaque N peut entrer dans un grand nombre de phrases classificatoires. En fait, l’ensemble (structuré de façon complexe) des phrases classificatoires représente la connaissance qu’a le locuteur de l’univers (1981: 49).
Dans un texte spécialisé, l’univers de discours est à la fois partagé (par exemple au sein de la Commission) et restreint (par exemple à la commercialisation des arômes), ce qui limite les aléas. Il reste à trouver une méthode pour étudier rigoureusement la combinatoire: c’est ce que nous verrons plus loin à la lueur du dernier Harris.
3.4.3. La polysémie
Ex.:
per «aromi» s’intendono i prodotti (…) conferire un aroma e/o sapore (UE, R 2008: 3.2.a).
Dans l’état actuel de la technologie, seul un humain peut interpréter correctement le premier emploi d’aroma (au pluriel) au sens de «sostanza chimica (en. flavouring, fr. aromatisant)» et le second au sens de «complesso delle percezioni ( …) (en. flavour, fr. arôme)» (IATE).
4. Pour une terminologie combinatoire
4.1. L’apport de Harris (1988)
4.1.1. L’information: une «propriété de paires de mots» dans le discours.
Il existe des «patrons syntaxiques» tels que, dans les langues romanes, N prép N et N Adj. Ils sont propres à des expressions polylexicales, ce ne sont pas des combinaisons d’expressions. La proposition que fait Harris va plus loin: faire du sens («meaning») «partly a word-pair property rather than a word property» (1988: 108).
La question de l’équivalence des traductions s’en trouve globalisée jusqu’à un certain point; ainsi, scadenza ne veut dire ni «limite» ni «utilisation», mais it. data di scadenza (UE, R 2008: 15.1.i) équivaut globalement à pt. data-limite de utilização.
4.1.2. L’éclairage par la paire «opérateur-argument»
Ex. : dans
Polypeptides were washed in HCl (Harris, 1988: 38)
le sens de «dissoudre» est sélectionné par le typage des arguments (la paire ordonnée consistant en un corps chimique puis un liquide). Le sens de «laver» est exclu par les arguments.
4.1.3. La «dépendance portant sur une dépendance»
La «dependence on dependence relation» (Harris, 1988: 15) rend l’information univoque même là où les mots sont polysémiques, lorsque le texte est suffisamment spécialisé.
Ex. : dans «conferire una nota fresca all’aroma» (UE, Règlement de 2008, considerando 26),
le sens de «note de musique» est exclu par le prédicat fresca et par le coargument aroma; en même temps, et solidairement, pour aroma le sens de «substance chimique» est exclu par le prédicat nota. Plus généralement, dans les textes spécialisés, «the required words are identified by what they in turn require» (Harris, 1988: 14).
4.2. L’apport du Web
Il est possible d’interroger un moteur de recherche sur une chaîne de caractères (sous Google, entre guillemets). Si l’on utilise cette possibilité de façon raisonnée, on peut accéder à des structures opérateur-argument, à leur fréquence brute et à leurs usages sur des sites sélectionnés. Dans le cas présent, les résultats obtenus ont 4 types de sources: des sites de normes (UE, FAO, OIV[url=#1][5][/url], notamment), de scientifiques (laboratoires publics, principalement), d’entreprises (surtout multinationales, pour des raisons linguistiques, sélectionnées selon leur représentativité et anonymées pour contourner la difficulté classique de la confidentialité), et aussi de dictionnaires spécialisés (accessibles gratuitement en ligne, comme IATE, EuroTermBank ou la base terminologique du CILF[url=#1][6][/url]).
5. Pour une terminologie prescriptive
5.1. Concept et signifié
Le débat théorique sur la différence entre signifié et concept n’est absolument pas académique : du choix opéré dépend toute la façon de travailler en terminologie. Comme le dit un spécialiste de l’ontologie médicale,
un signifié est une entité descriptive, alors que le concept est de nature prescriptive (…) un concept est prescriptif dans la mesure où il renvoie à un contenu réel, un contenu objectif, i.e. les objets du domaine : le contenu conceptuel doit refléter les contraintes objectives réelles du domaine. En d’autres termes, un énoncé possédant un contenu conceptuel, c’est-à-dire exprimant une connaissance, peut commander l’action (Bachimont, 1995: 73-74).
Il est bien vrai que tous les termes ont un signifié lexical, c’est-à-dire un sens attaché à leur forme. Ainsi, un emploi spécialisé d’un mot comme nectar est indiscutablement imagé à ses débuts, ce que les dictionnaires signalent par une mention telle que «Par métaphore». De même, il est morphologiquement prévisible qu’en italien aromatizzante se dise d’un produit qui ajoute un arôme. Tout cela est conforme à la logique du système de la langue, au «génie de la langue» dont se réclament les politiques linguistiques, néologie terminologique comprise. Il est non moins vrai, et c’est là la dimension proprement terminologique, que dans le domaine de l’agroalimentaire nectar de fruits désigne quelque chose qui n’a aucune des propriétés du breuvage des dieux, sauf une connotation dans la mémoire collective, et que les caractères objectifs d’un nectar de fruits font l’objet de stipulations industrielles en même temps que d’une dénomination obligatoire.
Il y a plus grave. Voici deux définitions du même mot stipulées par deux autorités normatives (mondiale / européenne) en matière agroalimentaire:
Ex. 1: fr. «un arôme est la somme des caractéristiques (…) » = es. «Aroma es la suma de las características (…)» = en. «Flavour is the sum of those characteristics (…)» (FAO)[url=#1][7][/url].
Ex. 2: fr. «on entend par « arômes» des produits (…) » = es. «se entenderá (…) por aromas» los productos (…) » = en. «flavourings shall mean products (…) » (UE, R. 1334/2008 : 3.2.a).
En fait, ce n’est grave que pour l’extraction automatique de candidats termes : chaque institution prend en compte un concept différent, que le lecteur averti ne confond pas avec l’autre (la FAO une propriété sensible, l’UE un type d’objets). En italien, comme en français et en espagnol, un même mot dénomme à la fois la propriété (prédicat) et l’objet (argument), sans qu’on puisse parler de métonymie en l’occurrence, mais en discours l’interprétation des énoncés ne souffre pas de cette polysémie lexicographique.
5.2. Emprunt et univocité
Hors contexte, et plus précisément hors structure opérateur-argument, le terme anglais flavouring a deux sens en matière agro-alimentaire : soit «substance aromatisante», soit «aromatisation» ; avantage à l’italien, qui distingue morphologiquement aromatizzante et aromatizzazione. En revanche, le terme italien aroma correspond tantôt à flavour, tantôt à flavouring; avantage à l’anglais. On le voit, l’anglais n’est pas toujours plus précis que les autres langues, ni moins.
Les anglophones, qui constituent dans le monde le plus grand nombre de communautés de pratiques industrielles, commerciales, scientifiques, techniques et linguistiques à la fois, ont le plus de brevets d’invention, de publications scientifiques et de références sur le Web. Il en résulte une situation de contacts linguistiques favorable à l’anglais, d’où un grand nombre d’emprunts ici et là.
Les professionnels de l’analyse sensorielle des produits (aliments solides, eaux, boissons alcoolisées et non alcoolisées) utilisent en italien un terme plus général qu’aroma pour désigner l’ensemble des caractères organoleptiques autres que la vue: flavour (emprunt à l’anglais britannique) ou flavor (emprunt à l’anglais américain). Dans un Règlement destiné à ces spécialistes[url=#1][8][/url], dès 1991 on trouve il flavour (sensazione congiunta olfatto-gustativo-tattile) et ses équivalents de. Flavour, es. flavor, fr. flaveur et timidement (entre guillemets) pt. «flavour». Avantage aux emprunteurs: l’anglais ne distingue pas par deux mots différents le simple arôme et la flaveur.
6. Conclusion
La méfiance des linguistes et des traducteurs à l’égard de la terminologie est fondée, si la terminologie n’est pas une linguistique appliquée en partie combinatoire. Pour qu’elle ne se réduise pas à une lexicologie des textes spécialisés, il lui faut sortir du «tout paradigmatique»:
- ne pas traiter seulement de termes (simples ou polylexicaux) mais aussi de paires de termes
- parmi les collocations, privilégier les paires opérateur-argument(s)
- globaliser la traduction à ce niveau d’analyse linguistique
Pour répondre aux questions posées au début,
1) la terminologie est affaire de langue spécialisée, et non pas seulement de texte spécialisé ; elle utilise les textes spécialisés, mais il s’en faut de beaucoup que tout «candidat terme» soit un terme au sens de l’ISO ;
2) le texte spécialisé est utilisateur autant que fournisseur de terminologie ;
3) toute terminologie est nécessairement normative, explicitement ou implicitement, parce que les concepts techniques sont normés et parce que les communautés de pratiques professionnelles sont aussi des communautés de pratiques langagières qui ont besoin de communiquer efficacement.
Dans ces conditions, le principal problème de la terminologie n’est ni la technicité ni la polysémie, mais le rapport au temps et aux lieux : la prolifération d’objets nouveaux, la multiplication des dénominations, l’apparition de définitions qui périment les précédentes, la pluralité des sources d’autorité jalouses de leurs prérogatives. Dans les langues spécialisées, comme dans les «langues totales» («Whole Natural Languages», dit Harris), on observe en permanence “a process of institutionalization of custom, of convenience, of what makes sense” (Harris, 1988: 111).
Il n’y a donc pas de bonne terminologie sans traçabilité et sans maintenance.
Bibliographie
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Note
[1] Z.S. Harris (1988): Language and Information, New York, Columbia University Press ; trad. fr. Amr Helmy Ibrahim et Claire Martinot (La langue et l’information, 2007), Paris, Cellule de recherche en linguistique.
[2] Regolamento N. 1334/2008 relativo agli aromi, URL: [url=http://eur-lex.europa.eu]http://eur-lex.europa.eu[/url]
[3] ammortizzatore posteriore = monoammortizzatore = mono = amortisator da drio (Bertaccini et Matteucci, 2006 : 324).
[4] «La construction d’ontologies dites laquo;conceptuelles», issues de la conceptualisation des objets du monde que partage une communauté de pratiques. C’est ce que met en valeur l’approche conceptuelle de la terminologie» (Depecker et Roche, 2007 : 112).
[5] Organisation internationale de la vigne et du vin, [url=http://www.oiv.com]www.oiv.com[/url]
[6] Base terminologique, Conseil international de la langue française, URL: [url=http://www.cilf.org]www.cilf.org[/url]
[7] Guidelines for the use of flavourings / Directrices para el uso de aromarizantes / Lignes directrices pour l’emploi des aromatisants, FAO, CAC/GL 66-2008 : 2.1, URL: [url=http://www.codexalimentarius.net]www.codexalimentarius.net[/url]
[8] Regolamento (CEE) n. 2568/91 (…) relativo alle caratteristiche degli oli d’oliva, URL: [url=http://eur-lex.europa.eu]http://eur-lex.europa.eu[/url]
©inTRAlinea & Pierre Lerat (2009).
"Texte spécialisé et terminologie"
inTRAlinea Special Issue: Specialised Translation I
Edited by: Danio Maldussi & Eva Wiesmann
This article can be freely reproduced under Creative Commons License.
Stable URL: https://www.intralinea.org/specials/article/1732