Humour et jeux de mots dans l’œuvre d’ Eugène Ionesco et ses traductions en grec

By Maria Constantinou (University of Cyprus, Cyprus)

Abstract

English:

This article aims to investigate how humour is translated in two theatrical plays by Eugene Ionesco (La Cantatrice chauve and Les Chaises) into Greek. The study explores three different Greek versions of the two theatrical plays. On the one hand, it seeks to consider humorous effects within the original plays, and on the other hand, it investigates the challenges involved in transposing verbal humour and the strategies used to translate or even reinforce humour in the translated texts.

If incongruity is an indispensable humour - provoking parameter, translators should also seek to mobilize the same cognitive mechanism in the translated texts. It is argued that even if a more literal translation is not always privileged or even possible, what is of importance is the humorous effect, otherwise the perlocutionary force of the translated humour on the target audience. However, the humorous effect in the translated text should be assessed through the lens of the author’s ethos and ideological positioning. In this context, an integrated approach to translation of humour is proposed, able to consider the linguistic realization of humour, the author’s ethos, the text genre, along with the cultural elements and shared knowledge within the target culture.

French:

Cet article a pour objectif d’étudier la façon dont l’humour, dans deux pièces de théâtre d’Eugene Ionesco (La Cantatrice chauve et Les Chaises), se déploie en grec. En  prenant pour objet d’analyse trois versions de ces pièces de théâtre, notre contribution vise, d’une part, à étudier les effets humoristiques tels qu’ils se manifestent discursivement dans l’œuvre originale, et d’autre part, elle examine les défis et pièges inhérents à la transposition de l'humour verbal ainsi que les stratégies adoptées par les traducteurs pour rendre et parfois renforcer l'humour dans le texte cible.

L’incongruité étant un paramètre indispensable pour provoquer l'humour, les traducteurs sont censés mobiliser le même mécanisme cognitif lors de la traduction. En ce sens, nous avançons l’idée que même si la traduction sémantique n’est pas toujours possible ou privilégiée par les traducteurs, le plus important est la restitution de l’effet humoristique dans le texte traduit. En d’autres termes, le texte traduit doit avoir plus ou moins le même effet perlocutoire que le texte original sur le public cible. Cependant, la force perlocutoire de l’humour dans le texte traduit est à évaluer à la lumière de l’éthos de l’écrivain, et de sa position idéologique. Dans ce contexte, cette étude propose une approche intégrative de la traduction de l’humour prenant en compte, outre l’éthos de l’écrivain, le genre textuel, la réalisation linguistique de l’humour, ainsi que les éléments culturels et les savoirs partagés au sein de la culture cible.

Keywords: humour, wordplay, pragmatic equivalence, Ionesco, Greek, French, jeux de mots, équivalence pragmatique, français, grec

©inTRAlinea & Maria Constantinou (2019).
"Humour et jeux de mots dans l’œuvre d’ Eugène Ionesco et ses traductions en grec"
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Stable URL: https://www.intralinea.org/specials/article/2406

L’humour, phénomène universel et inné à l’homme (Raskin 1985), s’avère néanmoins une pratique conditionnée par les langues voire plus largement par les cultures. En effet, comme les différents systèmes linguistiques ne présentent ni symétrie ni isomorphisme entre eux, l’humour paraît rétif à la traduction et demeure l’un des plus grands défis et pièges des traducteurs. Ainsi la complexité de l’humour a attiré l’attention de plusieurs chercheurs en traduction (Tymoczko 1987 ; Laurien 1989 ; Vandaele 1999, 2002, 2011 ; Zabalbeascoa 1994, 2001 ; Asimakoulas 2004 ; Kourdis 2009 ; Chiaro 2010 ; Zanettin 2010 ; Zeynaligargari et Alavi 2011 ; Tsai 2015 ; Constantinou 2018). La problématique de la traduction de l’humour, souvent liée à celle de la culture, s’explique par le fait que l’humoriste puise ses sujets dans des situations et des contextes qui présupposent la mise en œuvre des savoirs partagés, tels que l’histoire, la religion, l’actualité, les hommes politiques, les comportements d’un groupe ou bien la littérature. L’inscription de l’humour dans un contexte spatio-temporel implique donc une connaissance approfondie de la société et de la langue et plus largement de la culture, en vue d’appréhender la manière dont celles-ci interagissent pour créer de l’humour. En effet, l'humour verbal, et notamment celui qui repose sur des jeux de mots, résiste à la traduction, touchant ainsi les limites de l’intraduisible (Vandaele 2001) comme dans le cas de la poésie (Diot 1989 : 84). En dépit du pessimisme affiché par bien de traductologues, l’humour continue à être traduit ou du moins à être transposé d’une langue-culture à une autre pour faire rire, divertir ou même faire réfléchir. C’est par exemple le cas de la traduction de la caricature politique (Kourdis 2009 ; Constantinou 2018), de la bande dessinée (Zanettin 2010) des films (Mogorron Huerta 2010 ; Zabalbeascoa 2010 ) ou de la publicité (Quillard 2001).

Cette contribution qui s’inscrit dans le sillage de nos travaux sur la traduction de l’ironie du même auteur (Constantinou 2010) se propose d’élargir le corpus d’analyse, en focalisant l’attention sur l’humour verbal et notamment sur les jeux de mots et la répétition des éléments linguistiques ayant un effet humoristique. En effet, le corpus d’exploration est constitué de deux pièces de théâtre d’Eugène Ionesco : La Cantatrice chauve et Les Chaises. La première a été traduite par Errikos Belies (2007) et Giorgos Protopapas (1987) et la deuxième par Errikos Belies (2007) et Yiannis Thivaios  (2011). A ce corpus nous avons ajouté les adaptations radiophoniques réalisées par Kostas Stamatiou pour le compte de ERT   accessible sur YouTube . Ces versions proposent des techniques et stratégies différentes pour rendre l’humour ionescien. Compte tenu de la difficulté de transposer l’humour dans une autre langue, ce travail soulève une série de questions dont, entre autres:

  • Comment traduire l’humour et faire rire un public qui ne partage pas les mêmes savoirs, le même contexte socioculturel dont l’auteur et son public source sont imprégnés ?
  • Quelles stratégies et quels procédés les différents traducteurs mettent-ils en place lors de leur travail traductif  ?
  • Quels cadres théorique et méthodologique conviennent-ils pour aborder le problème épineux de la traduction de l’humour ? 

Dans le but de comprendre et d’expliquer l’humour ionescien et les différents procédés mis en place par les traducteurs, nous proposons une réflexion préalable sur l’humour et son inscription dans l’œuvre ionescien. Ceci nous permettra de cerner les enjeux de la traduction tels qu’ils se posent.

Humour ionescien : quelle approche théorique ?

L’humour ionescien, à la fois absurde et engagé, occupe une place importante dans la vie et l’œuvre du dramaturge. La formule « Où il n’y a pas d’humour, il n’y a pas d’humanité, où il n’y a pas d’humour, il y a le camp de concentration », témoigne que Ionesco accorde une attention particulière à l’humour qui occupe tous les compartiments de son œuvre comme une arme de résistance à l’injustice sociale, à l’absurdité politique et au fascisme. L’humour ionescien exprime l’absurde, l’anormal, l’illogique et l’inattendu ; il s’appuie sur la déformation, le renversement des rapports sémantiques des mots pour se moquer des valeurs socialement acceptables, dans le but d’ébranler le pouvoir. Son humour orienté idéologiquement vise un certain groupe de personnes, un ensemble d’idées et de situations qui sont considérées comme inférieures. Sous cet angle, la condition préalable à l’humour c’est l’existence d’une cible : le conformisme, toute forme de pouvoir, la petite bourgeoisie, les conventions sociales, le cliché. En effet, Ionesco, dans ses Notes et contre-notes souligne les effets abrutissants du cliché sur la mentalité de la “petite bourgeoise” :

[L]e petit bourgeois n’est pour moi que l’homme des slogans, ne pensant plus par lui-même, mais répétant les vérités toutes faites, et par cela mortes, que d’autres lui ont imposées. (Ionesco 1966 : 109)

A ses yeux, c’est cette mentalité conformiste qui a favorisé la montée des régimes totalitaires du XXe siècle (Sprenger 2004). D’un point de vue théorique, l’humour ionescien relèverait des théories psycho-sociales qui associent ce phénomène au sentiment de supériorité et d’agressivité (Gruner 1997). C’est en effet rire ou bien faire rire pour montrer du doigt (Chabanne 2002) et s’en détacher. Cependant, l’humour chez Ionesco a aussi un effet d’apaisement et de soulagement.  Ses propos en sont révélateurs :

Nous sommes comiques. C’est sous cet aspect que nous devrions nous voir. Rien que l’humour, rose ou noir ou cruel, mais seul l’humour peut nous rendre la sérénité. (Ionesco dans Journal en miettes, cité par Ioani 2002)

Par ailleurs, l’humour ionescien se pose comme une prise de conscience de l’aberration et de l’impasse de faire autre chose que de continuer à vivre dans un monde absurde (Ioani 2002). Pour Ionesco, membre du Collège de Pataphysique, le théâtre est le lieu de tous les possibles. Le non-sens, l’excentricité, les jeux de mots et de sonorités occupent une place très importante tout au long de son œuvre. D’un point de vue linguistique, et en particulier, dans la perspective de la Théorie Générale de l'Humour Linguistique[3] (Attardo et Raskin 1991 ; Attardo 1994, 2001) l’humour chez cet écrivain relèverait aussi de l’incongruité, vu qu’il est susceptible de mobiliser des règles cognitives impliquées dans la résolution de l’incongruité (Raskin 1985 ;  Attardo et Raskin 1991 ; Meyer 2000).  Selon cette approche théorique, à part l’existence d’une cible, ce qui conditionne l’humour c’est l’existence de deux scripts qui s’opposent ou sont incompatibles, mais qui finissent par se réconcilier selon un paradigme de base tel que vrai versus faux, normal versus anormal et possible versus impossible. A travers son œuvre, Ionesco tente de résoudre l’incongruité de la réalité qu’il perçoit comme absurde ou immorale, en mettant sur pied des idées opposées, inconciliables ou des mots qui se ressemblent phonétiquement mais s’éloignent sémantiquement (voir les exemples ci-dessous) pour attaquer une cible.

Nous appuyant sur une classification du comique (Bouquet et Riffault 2010), dans le théâtre ionescien, à part l’humour lié au comique de gestes dont l’actualisation dépend également du goût du metteur en scène, on peut distinguer : a) le comique de situation : tel que les coïncidences absurdes, les surprises, ou les rebondissements ; b) le comique de caractère (traits moraux propres aux protagonistes ionesciens, tels que leur attitude absurde, leurs vices, et leurs défauts) ; c) le comique de mœurs, dont l’effet est produit par les usages de la petite bourgeoisie ; d) le comique de mots : jeux de mots basés sur la polysémie ou l’homonymie de mots, grossièretés, prononciation de certaines unités lexicales ; e) le comique de répétitions : scènes, ou gestes répétées, répétition de mots, de syllabes, de morphèmes, de phonèmes et de graphèmes. Il convient de noter que les trois premiers ainsi qu’une partie du cinquième relèvent de l’humour référentiel. En revanche, les jeux de mots, la répétition de mots et d’autres éléments linguistiques appartiennent à l’humour verbal ou linguistique.

Tout comme l’ironie (Lievois 2006 : 84), l’humour verbal qui repose sur la répétition des éléments linguistiques et les jeux de mots paraît plus rétif à la traduction que l’humour exprimé sous des formes plus diffuses. Par conséquent, comme dans le cas de l’ironie, cette catégorie d’humour requiert une traduction plus libre qui reproduirait les effets humoristiques à travers des moyens similaires (Constantinou 2010).

Considérant les principes de la Théorie Générale de l'Humour Linguistique (Attardo 2001) nous avançons l’idée que tout énoncé humoristique à traduire dans une autre langue-culture n’est pas à réduire à sa microstructure, c’est à dire au niveau local de sa réalisation linguistique, mais il est à penser sur le plan de sa macrostructure, ce qui requiert la prise en compte du paratexte et des autres textes de l’auteur. Cette approche permet au traducteur de mieux appréhender les traits inhérents à l’humour ionescien, les moyens et les techniques mis en place pour mieux déjouer les pièges lors du processus de traduction. L’humour, comme le rire, étant l’expression et la production des codes collectifs (Mercier 2001 : 13), les éléments culturels sont à prendre en considération pour mieux transposer l’effet humoristique de l’original. Dans le cas de la traduction théâtrale, Morávková (1993 : 35) note que « chaque œuvre dramatique se situe par l’intermédiaire de sa traduction, à l’aide du médiateur - le traducteur - dans un contexte culturel nouveau.» Ce nouveau contexte permet de répondre aux attentes du public cible.

Partant de la thèse que l’humour ainsi que les jeux de mots sont traduisibles ou bien transposables dans d’autres langues-cultures (Henry 2003 ; Quillard 2001), nous plaidons pour une approche intégrative de la traduction de l’humour pouvant prendre en considération le processus cognitif de l’humour (Attardo et Raskin 1991), le genre, la finalité de la traduction (Vermeer et Reiss 1984), l’univers littéraire et l’ethos du dramaturge (Constantinou 2007 ; Constantinou 2010) ainsi que les particularités de la langue et de la culture cible. Nous proposons ainsi une analyse contrastive, en empruntant quelques outils développés au sein de la sémantique interprétative (Rastier 1987) et en nous appuyant sur la Théorie Générale de l'Humour Linguistique (Attardo et Raskin 1991 entre autres).  

Étudier comment les effets humoristiques chez Ionesco s’interprètent sous la plume de trois traducteurs différents implique par définition la problématique de l’adéquation de la traduction de l’humour en grec et donc la question de l’équivalence. L’équivalence, on le sait, est une notion qui est différemment définie selon les écoles en traductologie. Par exemple, alors que l’équivalence linguistique ou formelle présente une homogénéité sur le plan linguistique entre le texte original et sa traduction (Nida 1964), l’équivalence fonctionnelle désigne entre autres « le rapport optimal entre le texte traduit et le texte original » (Kufnerová 2009, cité in Raková 2013 : 57). L’équivalence stylistique a trait à une relation fonctionnelle entre les éléments stylistiques du texte de départ et du texte d’arrivée afin d’assurer une identité expressive ou affective entre l’original et sa traduction, sans altérer le sens de l’énoncé. L’équivalence sémantique se situe au niveau des mots et non du paragraphe ou du texte dans son ensemble. Elle suppose que le terme en langue source et son équivalent en langue cible partagent un champ sémantique identique. Cependant, pour rendre compte des effets humoristiques il faut considérer la force perlocutoire de l’énoncé. Dans ce cas, l’équivalence pragmatique ou perlocutoire (Hickey 1998) qui se rapproche de l’équivalence dynamique ou fonctionnelle (House 1997) semble opératoire pour cette étude. L’effet perlocutoire du texte traduit vise à produire chez le lecteur de la traduction les mêmes effets et les mêmes réactions (le rire) que le texte original produit chez son lecteur (Margot 1979). Or, comme le note Hickey (1998), le plus grand obstacle à surmonter dans l’obtention de l’équivalence pragmatique ou perlocutoire, provient du fait qu’il n’existe pas de relation directe entre le texte et l’effet qu’il produit. Cependant, l’équivalence perlocutoire semble opératoire, dans la mesure où nous étudions l’effet humoristique dans les textes traduits par rapport aux choix lexicaux, syntaxiques, stylistiques et pragmatiques faits par les trois traducteurs.  Nous nous focaliserons sur l’humour verbal et notamment sur la répétition de sons et de mots ou d’autres éléments morphologiques ainsi que sur des jeux de mots reposant sur la polysémie ou l’homonymie (Attardo 2001). Notre démarche consiste également à considérer l’humour verbal dans les traductions même si dans les textes originaux cela relèverait plutôt de l’humour référentiel que de celui basé sur la langue.

Analyse des exemples

L’un des procédés récurrents dans l’œuvre ionescien consiste à mettre en relation cotextuelle des signifiants proches phonétiquement mais avec un effet de contrariété sur le plan sémantique ou représentant des idées diamétralement opposées ou contradictoires ; par exemple, lors d’un dialogue vide et absurde entre le vieux et son épouse dans Les Chaises, l’assonance du phonème ([ɑ̃] dans présidents, marchands) ou la répétition des mêmes morphèmes (-aires dans prolétaires, fonctionnaires, militaires, révolutionnaires, -iers dans policiers, postiers, banquiers, chaudronniers, ou dans -istes, aubergistes, artistes, etc.) dans la dérivation des noms désignant des métiers ou des statuts différents crée à la fois une série d’allitérations et d’assonances et favorise l’absurdité du dialogue. Par ailleurs, l’interférence insolite des mots désignant des objets ou autres entités tels que bâtiments ou chromosomes intercalés entre les noms de métiers et de statuts crée une rupture d’hypéronymie et surprend l’esprit du spectateur dans une sorte de contrariété et de contraste, ce qui a pour effet de renforcer la connivence humoristique :

LA VIEILLE : Alors, c’est vraiment pour ce soir ? Au moins les as-tu tous convoqués, tous les personnages, tous les propriétaires et tous les savants ?
LE VIEUX  : Oui, tous les propriétaires et tous les savants.
LA VIEILLE : Les gardiens ? les évêques ? les chimistes ? les chaudronniers ? les violonistes ? les délégués ? les présidents? les policiers ? les marchands ? les bâtiments? les chromosomes  ?
LE VIEUX  :  Oui, oui, et les postiers, les aubergistes et les artistes, tous ceux qui sont un peu savants, un peu propriétaires !
LA VIEILLE : Et les banquiers ?
LE VIEUX :  Je les ai convoqués.
LA VIEILLE : Les prolétaires ? les fonctionnaires ? les militaires ? les révolutionnaires ? Les aliénistes et leurs aliénés ?
(Ionesco 1952/1991, Les Chaises, pp. 148-149)

L’humour se déploie dans le désaccord, l’incompatibilité entre les traits sémantiques distincts tels que /profession/ vs /statut/ou /qualité ou état/ (marchands vs savants, fonctionnaires vs révolutionnaires, aliénistes vs aliénés), /qualité matérielle/ vs /qualité non matérielle (propriétaires vs savants), /supériorité sociale/ vs /infériorité sociale/ (présidents vs marchands) ou bien / humain/, /animé/ vs /non humain ou /non animé (bâtiments, chromosomes), etc.  En ce qui concerne les textes grecs, Thivaios a recours à une traduction littérale de l’original, qui s’appuie essentiellement sur une équivalence formelle. Stamatiou[4], dans son adaptation radiophonique, omet de rendre la dernière phrase qui contribue à la création de l’humour ionescien. En revanche, Belies, agissant plutôt en tant que tradaptateur que traducteur met en avant la structure signifiante du texte cible. Il opte ainsi pour une traduction couverte (House 1997), tout en essayant de reproduire l’humour à l’aide des moyens linguistiques et stylistiques similaires à ceux de l’original. 

ΓΡΙΑ: Και τους κάλεσες όλους; Όλους τους σημαντικούς ανθρώπους; Τους σοφούς,  τους κουφούς, τους αδελφούς, τους ροφούς;
ΓΕΡΟΣ: Ναι όλους. Και όλους τους χαφιέδες, τους βαλέδες, τους κουραμπιέδες[5], τους μιναρέδες.
ΓΡΙΑ : Ωραία. Κάλεσες κι όλους τους ταξινόμους, τους αγρονόμους, αστυνόμους, τους παρανόμους;
Γέρος: Ναι.  Και όλους τους προλετάριους, τους βιβλιοθηκάριους, τους κομισάριους, τους ιμπρεσάριους.
Γριά: Ωραία. Και όλους τους ιδιοκτήτες, τους τραπεζίτες, τους μητροπολίτες, τους φρονιμίτες;
[…] Θα έρθουν όλοι. Έχω καλέσει κι όλους τους δικαστικούς, τους αναρχικούς, τους σπαστικούς, τους παρακρατικούς.
(Ionesco 1952, Les Chaises, traduit par Belies 2007, pp. 129- 130)

[Traduction inversée : LA VIEILLE : Et les as-tu tous convoqués ? Toutes les personnes importantes ? Les savants, les sourds, les frères, les mérous ?
LE VIEUX : Oui, tous.  Et tous les corbeaux, les valets, les gâteaux secs, les minarets.
LA VIEILLE : Bien. As-tu convoqué tous les classificateurs, les agronomes, les policiers, les clandestins ?
LE VIEUX : Oui. Et tous les prolétaires, les bibliothécaires, les commissaires, les imprésarios.
LA VIEILLE : Et tous les propriétaires, les banquiers/ dents molaires, les métropolites, les dents de sagesse ?
[...] Tout le monde viendra. J'ai appelé tous les juges, les anarchistes, les spastiques et les quasi gouvernementaux. ]

A y regarder de plus près, la traduction / adaptation proposée reproduit le jeu ionescien basé à la fois sur la ressemblance phonique et morphologique et l’incompatibilité sémantique des mots et des idées qu’ils expriment pour mettre en avant un effet de supériorité par rapport aux conventions sociales et au conformisme. En effet, l’interférence des séries des éléments incompatibles, comme procédé théâtral qui déclenche le rire et largement utilisée par Ionesco pour surprendre l’attention du spectateur, semble être reproduite avec brio par Belies. Ce traducteur, s’éloignant du contenu sémantique des unités lexicales utilisées par Ionesco, a recours à des séries de mots partageant les mêmes suffixes -άριους, -ίτες, -ικούς. S’inspirant de la technique ionescienne, Belies a recours à des mots incompatibles au niveau sémantique afin de mettre ensemble des idées totalement opposées ou inconciliables. Par exemple, dans la première série, « Les savants, les sourds, les frères, les mérous ? », l’emploi du signe « mérous » représente un type de poisson qui s’oppose sémantiquement aux autres unités lexicales désignant des êtres humains, ce qui renforce le non-sens et l’incompatibilité de la réplique.

Le même traducteur exploite l’homonymie des unités lexicales en grec et crée ses propres jeux de mots qui ne s’éloignent pas, à notre avis, de l’esprit ionescien. Par exemple, le jeu sur l’homonyme τραπεζίτες, qui signifie à la fois « banquiers » et « dents molaires », et la présence du mot φρονιμίτες « dents de sagesse » ayant également le même suffixe que les autres mots dans la même série, favorise la rupture et le non-sens voulu dans l’original. Le mot métropolites, élément culturel propre à la société grecque, désigne un certain titre de l’église orthodoxe, et réincarne la voix ionescienne contre l’hypocrisie et le pouvoir. Par ailleurs, comme nous le verrons dans les exemples suivants, des jeux de mots avec le mot pape sont aussi utilisés par Ionesco pour créer de l’humour. Dans les autres répliques, le traducteur joue sur les mêmes morphèmes dans l’intention de dénoncer toute forme de pouvoir : par exemple, le morphème nomos qui signifie en grec « loi » paraît dans une série de mots désignant des professions de nature différente, qui malgré l’apparente homosémie au niveau du morphème sont encore une fois inconciliables.

Cependant, l’incompatibilité sémantique voire morale qui retient le plus l’attention du public est l’opposition entre policiers (censés maintenir l’ordre) et « clandestins » ou « illégaux ». Elle sert de cadre pour mettre en balance la légalité et l’illégalité au sein de la société. Ce binôme légal vs illégal est renforcé dans la dernière réplique par l’emploi du nom de métier δικαστικούς, signifiant « juges » et d’autres mots se terminant en -ικούς, tels que αναρχικούς « anarchistes » ou παρακρατικούς « quasi gouvernementaux ». Bien que cette proposition de traduction s’éloigne sémantiquement du texte original, nous pensons qu’elle répond à l’intention générale de l’humour ionescien qui vise à se moquer du pouvoir. A travers ce procédé, le traducteur renforce la stratégie de déconstruction de toute forme de pouvoir car il place tous les métiers, qualités et défauts au même niveau, ce qui est d’ailleurs compatible avec l’absurdité ionescienne en particulier et le théâtre de l’absurde en général. Cependant, pour des raisons d’économie scénique, le même traducteur omet de traduire certaines phrases qui contribuent à renforcer l’effet humoristique. On peut citer en exemple le cas de « Les aliénistes et leurs aliénés ? » transposé plus ou moins fidèlement par Thivaios. Ce dernier, comme Stamatiou, opte pour une traduction plutôt sémantique que sonore. A notre avis, un tel choix réussit également à rendre les effets humoristiques du texte original et à répondre aux intentions de l’écrivain même s’il y a plus ou moins perte au niveau phonétique : 

Και τους προλετάριους, τους υπαλλήλους, τους στρατιωτικούς; Τους επαναστάτες; Τους αντιδραστικούς; Τους ψυχιάτρους και τους ψυχοπαθείς τους;
(Ionesco 1952, Les Chaises, traduit par Thivaios 2011, pp.  67-68)

[Traduction inversée : Et les prolétaires, les fonctionnaires, les militaires, les révolutionnaires, les réactionnaires ? Les psychiatres et leurs psychopathes ?]

Le jeu sur la répétition des sons continue dans la page suivante de la même pièce théâtrale, ce qui donne à la suite de mots une allitération et une assonance qui créent une rupture sur le plan sémantique et pragmatique, participant ainsi à intensifier l’absurde de l’œuvre ionescien :

Le Pape, les papillons et les papiers.
(Ionesco 1952/1991, Les Chaises, p. 149)

La coprésence des mots partageant les trois ou quatre premiers phonèmes est réalisée pour rendre ces idées compatibles dans leur succession par association sonore (Ioani 2002 : 97). En particulier, ces unités lexicales sont du point de vue sémantique incompatibles car elles contiennent des traits sémantiques distincts, tels que /+humain/, /-objet/ pour Pape, /-humain// ±animé/ ou / ±objet/ pour papillons et /+ objet/ (ou /-animé/) et /-humain/ pour papiers. En plus, l’unité lexicale Pape contient d’autres sèmes afférents tels que /+prestige/, /+statut/, /+pouvoir/ et sa présence dans une série de mots qui lui sont sémantiquement incompatibles semble participer à l’affaiblissement voire à la contestation du statut et du rôle du Pape dans la société. En ce qui concerne les traductions grecques, dans l’adaptation radiophonique de Stamatiou, ce jeu de mots est effacé, alors que Thivaios et Belies proposent des traductions similaires :

Θα έρθουν κι ο πάπας, η παπαδιά και το παπαδάκι.
(Ionesco 1952, Les Chaises, traduit par Belies, p. 130)
[Traduction inversée : Le pape, la femme du prêtre et son enfant]

Ο Πάπας, οι παπάδες και  οι παπαδιές;
(Ionesco 1952, Les Chaises, traduit par Thivaios, p. 68)
[Traduction inversée : Le Pape, les prêtres et leurs femmes]

Jouant sur la similarité sonore des mots qui appartiennent au champ sémantique de la religion, les deux traducteurs ne rendent pas de la même manière la rupture produite dans l’original. Cependant, une rupture est introduite au plan culturel dans la mesure où le Pape et les prêtres orthodoxes ne sont pas compatibles car ils n’appartiennent pas à la même église et ne partagent pas le même dogme. 

Il convient de noter ici que de tels choix expressifs ne sont pas aléatoires chez Ionesco. Une lecture intertextuelle de son œuvre permet de constater que les jeux de sonorité avec le mot pape se déploient également dans La Cantatrice chauve, ce qui reflète l’intention de l’écrivain de contester toute forme de pouvoir mais aussi de pointer le problème de la communication parmi les gens :

M. SMITH : Le paperape! Le pape n’a pas de soupape. La soupape a un pape.
(Ionesco 1950/ 1991, La Cantatrice chauve, p. 41)

ΚΥΡΙΟΣ ΣΜΙΘ: Ο πάπας ξεπατώθηκε! Του πάπα χρειάζεται τάπα. Η τάπα τι να τον κάνει τον πάπα.
[Traduction inversée : Le pape a été exténué ! Le pape a besoin d'un bouchon. Le bouchon n’a pas besoin du pape.]
(Ionesco 1950/ 1991, La Cantatrice chauve, traduit par Protopapas, 1987, p. 193)

Alors que ni Stamatiou ni Belies n’ont traduit ce passage absurde, Protopapas est le seul à reproduire ce jeu de sonorités, ainsi que les allusions intertextuelles dans l’ensemble de son œuvre. Ce procédé se retrouve également dans d’autres endroits de la même pièce théâtrale :

Madame Martin : Excusez-moi, monsieur le Capitaine, je n’ai pas très bien compris votre histoire. A la fin, quand on arrive à la grand-mère du prêtre, on s’empêtre.
Monsieur Smith : Toujours, on s’empêtre entre les pattes du prêtre.
(Ionesco 1950/1991, La Cantatrice chauve, p. 35)

Protopapas opère une traduction sonore en mettant en avant la rythmique du texte cible. Ainsi, entretient-il la répétition des mêmes mots de façon à ce qu’ils riment, ce qui permet de maintenir en partie la continuité du sens ou bien du non-sens du texte original :

ΚΥΡΙΑ ΜΑΡΤΙΝ: Να με συμπαθάτε κύριε Πυροσβέστη, αλλά δεν κατάλαβα μερικές λεπτομέρειες της ιστορίας σας. Στο τέλος όταν φτάσατε στη γιαγιά του παπά, μπέρδεψα και τα λοιπά, κι όταν είπατε για την δασκάλα, εμπέρδεψα και τ’ άλλα.
ΚΥΡΙΟΣ ΣΜΙΘ:  Πάντοτε μπερδεύεσαι παπά σαν ερωτεύεσαι και αν είναι και δασκάλα βάλ το αμέσως στην τρεχάλα.
(Ionesco 1950/1991, La Cantatrice chauve, traduit par  Protopapas 1987, p. 185)

[Traduction inversée : MADAME MARTIN: Excusez-moi, monsieur le Pompier, mais je n’ai pas compris certains détails de votre histoire. A la fin, lorsque vous êtes arrivé chez la grand-mère du prêtre, j’ai confondu les autres choses, et quand vous avez parlé de l'enseignante, j’ai confondu le reste. 
MONSIEUR SMITH : Tu confonds toujours tout, mon prêtre, lorsque tu tombes amoureux, et si c’est une institutrice, tu te mets tout de suite à courir.]

Belies, de son côté, fait passer la confusion des répliques des personnages fictifs et y ajoute un jeu de mots, en puisant une nouvelle fois dans la culture grecque et la polysémie de l’adjectif σκοτεινό. Εn effet, ce mot désigne quelque chose ou quelqu’un d’obscur, ou bien quelque chose qui manque de lumière. Il peut également actualiser selon le contexte la signification « noir », comme dans la collocation σκοτεινό δωμάτιο « chambre noire ». L’incongruité est créée par l’actualisation de deux significations de la même unité lexicale, mécanisme auquel le spectateur ne s’attend pas :

ΚΥΡΙΑ ΜΑΡΤΙΝ : Συγγνώμη, κύριε λοχαγέ, αλλά δεν κατάλαβα κάτι στο τέλος. Μπερδεύτηκα εκεί με τον αδελφό του παπά. Κάτι μου είναι σκοτεινό.
ΛΟΧΑΓΟΣ : Προφανώς τα ράσα του, που είναι μαύρα.
(Ionesco 1950/1991, La Cantatrice chauve, traduit par Belies, 2007, p. 53)

[Traduction inversée : MADAME MARTIN : désolée, monsieur le capitaine, mais je n’ai pas compris une chose, à la fin. J’ai été confuse avec le frère du prêtre. Il y a quelque chose d’obscur.
CAPITAINE : De toute évidence ce sont ses vêtements qui sont noirs.]

En effet, cette incongruité est due à l’emploi ambigu de l’adjectif, dont la signification courante est interdite dans la chute de ce dialogue absurde et humoristique. Comme le mot en question n’est jamais utilisé pour décrire la classe de vêtements (σκούρα ρούχα « vêtements foncés » et non * σκοτεινά ρούχα « vêtements obscurs »), cette transgression sémantique met en avant le non conformisme ionescien tout en renforçant les réseaux intertextuels visant le pouvoir de l’église. Il est également pertinent de noter que l’église orthodoxe, au sein de la communauté grecque, sert souvent de source d’inspiration pour les humoristes et les satiristes.

L’humour chez Ionesco repose également sur la « scalarité » des faits et des contenus sémantiques des mots. Dans le passage qui suit, le pompier dont le rêve est d’éteindre des incendies, parle d’un incendie qui va se produire dans un temps précis à l’autre bout de la ville. Cependant, en dialoguant avec le couple Smith, l’incendie finit par se transformer en un petit feu de cheminée et ensuite en une petite brûlure d’estomac :

LE POMPIER : Ecoutez, c’est vrai… tout ça c’est très subjectif…mais ça c’est ma conception du monde. Mon rêve. Mon idéal…et puis ça me rappelle que je dois partir. Puisque vous n’avez pas l’heure, moi, dans trois quarts d’heure et seize minutes exactement j’ai un incendie, à l’autre bout de la ville. Il faut que je me dépêche. Bien que ce ne soit pas grand-chose.
MADAME SMITH : Qu’est-ce que ce sera ? Un petit feu de cheminée ?
LE POMPIER : Oh même pas. Un feu de paille et une petite brûlure d’estomac.
(Ionesco 1950/ 1991, La Cantatrice chauve, p. 38)

Cette gradation descendante basée sur le contenu sémantique des mots crée une rupture de continuité et provoque le rire chez les spectateurs. Les traductions grecques interprètent et rendent différemment ce paradoxe. Protopapas propose une traduction plus ou moins fidèle et reproduit ainsi l’humour référentiel identifié dans le texte original :

ΠΥΡΟΣΒΕΣΤΗΣ: Συμφωνώ, δεν αποκλείεται να’ χετε δίκαιο… όλα αυτά είναι τελείως υποκειμενικά… Αλλά εγώ τον κόσμο, κάπως έτσι τον καταλαβαίνω. Το όνειρο μου… το ιδεώδες μου… και ύστερα μου θύμισαν ότι έχω κάποιο ραντεβού. Αφού εσείς δεν μπορείτε να μου πείτε τι ώρα είναι,  εμένα σε τρία τέταρτα  και δεκάξι δευτερόλεπτα ακριβώς με περιμένει μια πυρκαγιά στην άλλη άκρη της πόλεως. Πρέπει να βιαστώ, αν και  η πυρκαγιά είναι ανάξια λόγου
ΚΥΡΙΑ ΣΜΙΘ :  Άραγε τι θα’ ναι ; Η πυρκαγιά καμιάς φουφούς;
ΠΥΡΟΣΒΕΣΤΗΣ: Μακάρι, αλλά δεν νομίζω.  Ίσως κανένα αχυράκι θ’ αρπάξει φωτιά ή το πολύ καμιά καούρα στομαχιού. Είναι τρεις μέρες που με ειδοποίησαν.
(Ionesco 1950, La Cantatrice chauve, traduit par Protopapas, p. 188)

[Traduction inversée : LE POMPIER : Je suis d’accord, il n’est pas impossible que vous ayez raison… tout cela est tout à fait subjectif … mais moi le monde je le comprends plus ou moins comme ça. Mon rêve… mon idéal… et  puis on m’a rappelé que j’ai un rendez-vous. Puisque vous ne pouvez pas me dire quelle heure il est, moi, dans trois quarts d’heure et seize secondes exactement un incendie m’attend à l’autre bout de la ville. Je dois me dépêcher, même si le feu ne vaut pas la peine d’en parler…
MADAME SMITH : Qu’est-ce que ce sera ? L’incendie d’une chaufferette ?
LE POMPIER : je l’espère mais je ne le pense pas. Peut-être une petite paille qui prendra feu ou bien une petite brûlure d’estomac. Il y a trois jours qu’on m’a prévenu.]

Belies prend une nouvelle fois plus de liberté et joue non seulement sur la polysémie, en y ajoutant un jeu de mots inexistant dans le texte source mais il propose une nouvelle stratégie narrative, relatant l’histoire différemment pour intensifier la surprise chez le spectateur :

ΛΟΧΑΓΟΣ
Μπορεί. Άλλωστε, όλα είναι υποκειμενικά. Βέβαια, εγώ τον κόσμο έτσι τον καταλαβαίνω. Να τι είναι  εμένα τ’ όνειρό μου, το ιδεώδες μου, η κοσμοθεωρία μου. Όμως, μια που είπα όνειρο, θυμήθηκα πως έχω δουλειά. Αφού εσείς δεν μπορείτε να μου πείτε τι ώρα είναι, σας λέω πως σε τρία τέταρτα και δεκαέξι δευτερόλεπτα ακριβώς πρέπει να βρίσκομαι στην άλλη άκρη της πόλης και να σώσω κάποιον από βέβαιο κάψιμο.
ΚΥΡΙΟΣ ΣΜΙΘ
Δηλαδή, τι; Θα πιάσει φωτιά η σόμπα του;
ΛΟΧΑΓΟΣ
Δεν ξέρω. Μπορεί να είναι κάτι πολύ απλό, ένα κάψιμο στο στομάχι του απ’ το πολύ φαΐ. Αλλά πρέπει να πάω, με έχει ειδοποιήσει πριν τρεις μέρες.
(Ionesco 1950, La Cantatrice chauve, traduit par Belies 2007, pp. 60-61) 

[Traduction inversée :
LE CAPITAINE 
C’est possible. Après tout, tout est subjectif. Bien sûr, moi le monde je le comprends ainsi. Voici mon rêve, mon idéal, ma vision du monde.  Mais, comme j’ai dit rêve, je me suis souvenu d'avoir un travail. Puisque vous ne pouvez pas me dire quelle heure il est, je vous dis que dans trois quarts d’heure et seize secondes exactement je dois être de l'autre côté de la ville pour sauver quelqu'un d’une brûlure certaine.
MONSIEUR SMITH
C'est quoi alors ? Est-ce que son poêle va prendre feu ?
LE CAPITAINE 
Je ne sais pas. C’est peut-être une chose très simple, une brûlure à l’estomac après avoir beaucoup mangé. Mais je dois y aller, il m'a prévenu il y a trois jours]

Plus précisément, ce choix traductif qui repose sur le mot polysémique κάψιμο signifiant « brûlure », « mise à feu », « feu » ou « grillage » élimine des éléments ‘ informatifs’ servant à ‘avertir’ le spectateur du texte original de la non gravité de l’incendie annoncé plus haut : c’est là où le pompier lui-même atténue le degré de l’urgence avec l’énoncé « Bien que ce ne soit pas grand-chose ». A notre sens, l’effet de surprise est renforcé tant par le choix de ne pas traduire cette formule que par l’insertion des jeux de mots ; outre le jeu de mot basé sur la polysémie du mot κάψιμο, le traducteur procède au défigement να σώσω κάποιον από βέβαιο κάψιμοpour sauver quelqu'un d’une brûlure certaine’ de l’expression figée σώζω κάποιον από βέβαιο θάνατο ‘sauver quelqu’un d’une mort certaine’.   

Cette technique qui consiste à explorer la polysémie des mots pour renforcer l’humour et déclencher le rire est très fréquente chez Belies. Dans l’exemple qui suit, l’humour dans l’original est référentiel, vu qu’il est lié à l’absurdité des gestes et des habitudes des personnages fictifs comme dans le cas où le frère du vieux lui rend visite pour lui laisser une puce :

LA VIEILLE : […] Tu t’es disputé avec tous tes amis, avec tous les directeurs, tous les maréchaux, avec ton frère.
LE VIEUX : C’est pas ma faute, Sémiramis ; tu sais bien ce qu’il a dit.
LA VIEILLE : Qu’est- ce qu’il a dit ?
LE VIEUX : Il a dit « Mes amis, j’ai une puce. Je vous rends visite dans l’espoir de laisser une puce chez vous
LA VIEILLE : Ça se dit, mon chéri. Tu n’aurais pas dû faire attention. Mais avec Carel, pourquoi t’es-tu fâché ? C’est sa faute aussi ?
(Ionesco 1952/1991, Les Chaises, p.147)

Contrairement à Stamatiou[6] et Thivaios qui rendent l’humour référentiel de Ionesco sans y ajouter de jeu de mots,  Belies explore la polysémie du mot ‘puce’ en grec, et crée un jeu de mots, renforçant davantage l’incongruité du texte notamment au niveau verbal :

Αλλά είχες τη συνήθεια να μαλώνεις με όλους! Μάλωσες με όλους τους φίλους σου, όλους τους διευθυντές, όλους τους δημοσιογράφους και με τον αδελφό σου.
ΓΕΡΟΣ
Εκείνος έφταιγε, Σεμίραμις. Θυμάσαι τι είπε;
ΓΡΙΑ 
Όχι καλά.
ΓΕΡΟΣ
Είπε «Έχω ψύλλους και ήρθα στο σπίτι σας ν’ αφήσω μερικούς».
ΓΡΙΑ
Δηλαδή, για ψύλλου πήδημα μάλωσες με τον αδελφό σου. Καλά. Και με τον Καρέλ γιατί μάλωσες; Πάλι εκείνος έφταιγε;
(Ionesco 1952/1991, Les Chaises, traduit par Belies, p. 127)

[Traduction inversée : Mais tu avais l’habitude de te disputer avec tout le monde !  Tu t’es disputé avec tous tes amis, tous les directeurs, tous les journalistes et même avec ton frère.
LE VIEUX
C’était sa faute, Sémiramis. Tu te souviens de ce qu’il a dit ?
LA VIEILLE
Pas très bien.
LE VIEUX
Il a dit “J’ai des puces et je suis venu chez vous pour en laisser quelques-unes.”
LA VIEILLE
C’est-à-dire, pour un saut de puce / pour un rien que tu t’es disputé avec ton frère. Bon. Et avec Carel, pourquoi tu t’es disputé ? C’était encore sa faute ?]

C’est en effet au moment où Sémiramis, la femme du vieux, lui dit qu’il s’est disputé avec tous ses amis, les directeurs et même avec son frère ; c’est le moment choisi par le vieux pour raconter que son frère lui a rendu visite pour lui laisser une puce. Le même mot paraît en grec dans l’expression idiomatique για ψύλλου πήδημα (littéralement « pour le saut d’une puce »). Cette expression que l’on traduirait en français par « pour un rien », « pour des broutilles », sert à parler de quelqu’un qui se fâche ou se vexe facilement. Dans le texte, ce mot, tel qu’il est employé dans le contexte, subit une resémantisation et fait syllepse dans la réplique de la vieille car il actualise les deux sens : le sens littéral « pour le saut d’une puce » et le sens figuré « pour un rien ».

L’humour tout comme le comique chez Ionesco repose non seulement sur l’aberration des gestes et des usages des personnages (le fait de rendre visite à quelqu’un pour lui laisser une puce, par exemple) mais aussi sur l’« interdiction » des certains mots dits « inappropriés », qui ne sont pas prononcés mais suggérés, comme dans la dernière réplique de l’extrait suivant :

LA VIEILLE : Ça se dit, mon chéri. Tu n’aurais pas dû faire attention. Mais avec Carel, pourquoi t’es-tu fâché ? C’est sa faute aussi ?
LE VIEUX : Tu vas me mettre en colère, tu vas me mettre en colère. Na. Bien sûr, c’était sa faute. Il est venu un soir, il a dit : Je vous souhaite bonne chance. Je devrais vous dire le mot qui porte chance ; je ne le dis pas, je le pense. Et il riait comme un veau.
(Ionesco 1952/1991, Les Chaises, p. 147)

Il va de soi que le personnage fictif évite le mot scatologique ‘merde’ qui est utilisé en français pour souhaiter bonne chance. Par contact des langues, ce mot a fini par entrer dans la langue grecque et notamment dans le cercle théâtral pour souhaiter bonne chance. Il convient de noter que cet emprunt sémantique n’a pas encore été lexicalisé ; le recours aux dictionnaires grecs, comme ceux de Babiniotis (2008) et de Triandafillides[7] (1998)   n’attestent pas de cette acception. Comme les trois traductions ont été réalisées dans des périodes différentes, il est intéressant de voir comment cet extrait a été rendu :

ΓΕΡΟΣ: Θα... θα  με κάνεις να θυμώσω,  Σεμίραμις και θα με κάνεις να θυμώσω άσχημα. Και βέβαια αυτός έφταιγε. Ήρθε ένα βράδυ και μου είπε  «Ήρθα να σας χΑΙ:::::ρετίσω. Θα έπρεπε να πω το άλλο ρήμα, αλλά δεν το λέω το σκέφτομαι.»  και χαχάνιζε σαν να του καθαρίζανε αυγά.
ΓΡΙΑ: Ο άνθρωπος το είπε στ’ αστεία,  μωρό μου, για να γελάσουμε. Στη ζωή δεν πρέπει να είναι κανείς μη μου άπτου.
(Ionesco, Les Chaises traduit par Stamatiou)

 [Traduction inversée : LE VIEUX : Tu...tu me mettras en colère, Sémiramis et tu me mettras gravement en colère. Mais bien sûr, c’était sa faute. Il est venu une nuit et  il a dit: « Je suis venu vous SAAL:::::uer.  J'aurais dû dire l'autre verbe, mais je ne le dis pas, je le pense. » et il riait comme si on lui écaillait des œufs.
LA VIEILLE : L’homme a dit ça pour plaisanter, mon petit chou, pour rire. Dans la vie, on  ne doit pas se vexer facilement.]

Dans la traduction proposée par Stamatiou, le rire provient du jeu entre implicite et explicite. Le mot sous-entendu et à moitié prononcé est le verbe χέζω « chier » ; en effet, ces deux premiers phonèmes lors de l’adaptation radiophonique sont oralement prolongés pour permettre au public radiophonique d’établir l’association cognitive entre les deux verbes χέζω « chier » et χαιρετίζω « saluer ». Le traducteur, puisant dans le système de la langue grecque, exploite la ressemblance phonique de deux premiers phonèmes en vue d’établir une équivalence fonctionnelle pour une adaptation orale et non pas écrite de l’œuvre de Ionesco. Ce choix traductif serait moins opératoire pour une version écrite car le phonème E est écrite différemment dans les deux verbes.

La traduction de Thivaios prend en compte l’évolution sémantique du mot σκατά en grec grâce au contact de deux langues, ce qui lui permet d’effectuer une traduction littérale mais à la fois actuelle. Bien évidemment, cela n’aurait pas été possible dans la version antérieure de Stamatiou car ce mot n’avait jusqu’alors pas été utilisé dans un tel contexte.

Ο ΓΕΡΟΣ: Θα με νευριάσεις πάλι, και θα νευριάσω άσχημα. Και βέβαια έφταιγε αυτός.  Ήρθε ένα βράδυ και είπε: «Σας εύχομαι καλή τύχη. Άλλη λέξη έπρεπε να πω που φέρνει τύχη· αλλά δεν τη λέω, την έχω στο μυαλό.» Και γελούσε σαν βόδι.
Η ΓΡΙΑ : Αστεία το είπε, αγάπη μου. Στη ζωή δεν πρέπει να είμαστε μυγιάγγιχτοι.
Ο ΓΕΡΟΣ:  Αυτά τα αστεία εμένα δε μου αρέσουν.
(Ionesco 1952/1991, Les Chaises, 2011 traduit par Thivaios, pp. 65-66)

[Traduction inversée : LE VIEUX : tu vas m’énerver, et je serai très énervé. Mais bien sûr c’était sa faute. Un soir, il est venu et a dit : « Je vous souhaite bonne chance. Je devais dire un autre mot qui porte chance, mais je ne le dis pas, je l'ai dans ma tête ». Et il  riait comme un veau.
LA VIEILLE : Il a dit cela pour plaisanter, mon amour. Dans la vie, il ne faut pas être mauvais joueur.
LE VIEUX : Je n'aime pas ces blagues.]

Belies propose une autre narration, en ajoutant d’autres éléments sans pour autant s’éloigner de la thématique scatologique du texte original. Cependant, ce remaniement ne permet pas aux lecteurs de saisir l’allusion et le jeu implicite inhérents au texte original. Par ailleurs, ce choix semble participer de la transgression de la norme et des conventions sociales de la politesse, ce qui n’est pas le cas dans l’original. De ce fait, cette liberté du traducteur rend le texte plus discourtois et grossier aux yeux du public hellénophone :

ΓΕΡΟΣ: Θα με κάνεις να θυμώσω, Σεμίραμις, κι εγώ θυμώνω άσχημα! Φυσικά εκείνος έφταιγε! Είπε « Ήρθα και το στομάχι μου είναι γεμάτο αέρια».  Κι εγώ θυμήθηκα τον αδελφό μου και του  απάντησα «Και ήρθες στο σπίτι μας για να αφήσεις μερικές πορδές
ΓΡΙΑ 
Τον άρπαξες από τα μούτρα, καλέ μου. Γιατί παρεξηγιόσουνα με το παραμικρό; Αστείο έκανε ο άνθρωπος.
ΓΕΡΟΣ 
Ναι, αστείο έκανε. Δεν μ’ αρέσουνε τ’ αστεία!
(Ionesco 1952/1991, Les Chaises, traduit par Belies, p. 127)

[Traduction inversée : LE VIEUX : Tu vas me mettre en colère, Sémiramis, et je suis très en colère ! Bien sûr, c’était sa faute ! Il a dit “Je suis venu et mon estomac est plein de gaz. Et je me suis souvenu de mon frère et j'ai dit : « Es-tu venu chez nous pour nous lâcher quelques pets ?  »
LA VIEILLE : Tu l’as agressé, mon chou. Pourquoi tu prenais mal tout trop facilement ? Il a juste fait une blague.
LE VIEUX : Oui, il plaisantait. Je n'aime pas les blagues !]

L’analyse des exemples précédents met en évidence plusieurs procédés et stratégies qui consistent à rendre l’humour ionescien. Ainsi le traducteur peut procéder à une traduction sémantique, ce qui donne lieu à une perte des jeux de mots, basés sur la structure sonore des unités lexicales et des morphèmes (équivalence formelle sans équivalence stylistique ou rythmique). En revanche, selon notre corpus, le traducteur a aussi la possibilité d’opter pour une traduction sonore sans équivalence sémantique. Ce choix peut déboucher sur une équivalence pragmatique ou perlocutoire, susceptible de créer des réactions similaires auprès du public cible, notamment grâce à la mobilisation des éléments culturels propres à la culture cible. Plus rarement une traduction littérale, là où les langues-cultures le permettent, peut donner lieu à une équivalence à la fois linguistique et pragmatique comme dans le cas de la traduction implicite du mot merde suggérant « bonne chance » proposée par Thivaios. Dans d’autres cas, l’ajout des jeux de mots basés sur la polysémie ou l’homonymie peut renforcer l’effet humoristique (notamment les choix proposés par Belies). Le traducteur a également la possibilité de reproduire des jeux de mots susceptibles de mobiliser un effet similaire au niveau perlocutoire chez le public grec sans toutefois mettre en place les mêmes moyens linguistiques (par exemple le jeu basé sur l'homonyme τραπεζίτες signifiant « banquiers » et « dents molaires »). Cette option est susceptible d’affecter l’équivalence référentielle sans nécessairement nuire à l’adéquation de l’effet humoristique par rapport à l’ethos du dramaturge. Or les ajouts ou stratégies narratives susceptibles d’exagérer, trahir ou bien pervertir l’humour ionescien, comme le dernier exemple proposé par Belies, s’avèrent inutiles dans la mesure où elles ne répondent ni aux attentes du public cible ni à l’univers littéraire de l’auteur.

Conclusions

Tout au long de cette réflexion, nous avons essayé de montrer que si l’humour ionescien se propose de dénoncer l’absurde de son époque, le non-sens, l’absence de communication, qui se déploie différemment, donne lieu à plusieurs interprétations en grec. Les traducteurs peuvent mobiliser plusieurs moyens pour faire passer l’humour au public cible. Toutefois, la transposition de l’effet humoristique s’effectue par le biais de l’incongruité, l’illogique, le désaccord, du point de vue du contenu sémantique des mots, de leur structure sonore et de la situation à laquelle le texte se réfère. Par-delà le verbal, élément constitutif de l’humour, d’autres paramètres sont à prendre en considération dans toute opération de traduction ou tradaptation de l’humour. En effet, la contextualisation du corpus repose sur l’univers littéraire et l’éthos idéologique de l’écrivain, bref la dimension spatio-temporelle dans laquelle l’œuvre a été produite ainsi que la langue et la culture d’accueil, autrement dit les éléments culturels et linguistiques pouvant être mobilisés pour susciter l’humour chez le spectateur. Par ailleurs, les libertés que s’accordent les traducteurs par rapport au texte original doivent viser les mêmes réactions chez le public cible sans ignorer ou trahir l’idéologie, les valeurs régissant l’ensemble de l’œuvre du dramaturge. Une lecture intertextuelle et paratextuelle s’avère également utile voire nécessaire pour mieux comprendre la nature, l’intention et la cible de l’humour propre à l’auteur. Pour transposer l’humour, le plus important est l’efficacité communicative de sa traduction, car l’essence de l’énoncé humoristique, la raison de son existence, repose sur sa perception comme une blague (Attardo 2001, 32-33). Il en résulte ainsi que son interprétation par le destinataire doit s’accorder avec celle du destinateur.

Références

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Ionesco, Eugène (2011) Το μάθημα/ Οι καρέκλες, Yiannis Thivaios, (Traduit en grec, originaux français : La Leçon, 1970; Les Chaises, 1973) - Athènes, Editions Bilieto.

Adaptations radiophoniques, textes traduits par Kostas Stamatiou.

 https://www.youtube.com/watch?v=YP4GYe-x3wE (La Cantatrice chauve, 1976) https://www.youtube.com/watch?v=BL_FRCBE1Qk (Les Chaises, 1971)

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Notes

[1] Il s’agit de la chaîne de télévision publique grecque.

[2] https://www.youtube.com/watch?v=YP4GYe-x3wE    (La Cantatrice chauve, 1976). https://www.youtube.com/watch?v=BL_FRCBE1Qk (Les Chaises, 1971).

[3] Selon cette théorie les autres paramètres sont le mécanisme logique, la situation, la stratégie narrative, la cible et la langue. Le paramètre de supériorité a été ultérieurement intégré et développé par Attardo (1996, voir aussi Asimakoulas 2004) dans le cadre de sa théorie.   

[4] Par commodité et pour faciliter la lecture par les non hellénophones, nous avons opté de ne pas inclure dans tous les exemples les trois versions et de nous limiter à leur description et / ou analyse.  

[5] Il est à noter que le mot κουραμπιές est polysémique ; il peut selon le contexte actualiser les sens suivants: a) gâteau sec produit en particulier à Noël, b) (péjoratif) soldat n’ayant jamais participé à une bataille de guerre c) (insulte) lâche, qui manque de courage. 

[6] Stamatiou fait une traduction plus explicite qui, à notre avis, provoque plus de rire que celle proposée par Thivaios. 

[7] [url=http://www.greek-language.gr/greekLang/modern_greek/tools/lexica/triantafyllides/]http://www.greek-language.gr/greekLang/modern_greek/tools/lexica/triantafyllides/[/url]

About the author(s)

Maria Constantinou received her Ph.D. in Language Sciences from the University of Franche-Comté in 2006. She taught foreign languages and communication-related courses in private academic institutions of Cyprus (2007-2012), and since January 2012, she has been teaching linguistics, (critical) discourse analysis, semiotics and translation (both theory and practice) at the University of Cyprus. She has also collaborated with the University of Nicosia within a master’s degree programme and has been working for the Law Office of the Republic of Cyprus as a freelance translator since 2008. She is particularly interested in issues related to metaphors, ideology, emotions, humour, discourse, society and identity construction. She has published on Kazantzakis and Ionesco, focussing mainly on the phenomena of intertextuality, metaphor, humour and ideology. Her recent research includes journalistic and political discourse, CMC (forums, blogs) and media and institutional translation and pays particular attention to the interplay between image and text. She has participated in various conferences and published articles and chapters on (and in) English, French and Greek mainly from a contrastive, cross-cultural and translational perspective in refereed and peer-reviewed journals and edited volumes.

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©inTRAlinea & Maria Constantinou (2019).
"Humour et jeux de mots dans l’œuvre d’ Eugène Ionesco et ses traductions en grec"
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