La traduction économique dans une perspective contrastive français-italien : problèmes terminologiques

By Alessandra Rollo (University of Salento, Italy)

Abstract

English:

Economic translation is one of the most important and popular types of specialized translations, because of its effects on national and international communication. As with every specialized language, economic language is characterized by frequent morphosyntactic and lexical aspects as well as codified textual features. Indeed, it’s not a homogeneous language, owing to the diversity of the reference domain covering a vast range of textual genres. Economic discours, like any other communication act, is marked by social and cultural practices which generate and at the same time constrain it; it’s based not only on linguistic components, but also on pragmatic and cultural information as well as on a communicative aim, connected to the ‘vertical dimension’ of specialized languages, which determines different degrees of formalization and technicity. This affects the choice of translation strategies, as we shall see in this paper that aims at exploring some lexical and terminological particularities of this specialist field, in a contrastive French/Italian perspective. Our focus will be main translation problems such as the cases of polysemy or ‘lexical pluri-referentiality’, equivocal terms, collocations and locutions, the creation of neologisms in the form of loanwords or calques; so many cases needing, on the one hand, a solid linguistic and extralinguistic knowledge by the translator, on the other hand, contextualization as a necessary preliminary to translation, taking into account the receivers of the text and the context in which it is used, in order to get the most relevant solutions, appropriate to the given situation. The TT will be a functional text, which, while respecting the features of the ST, meets the target linguistic and cultural context.

French:

Dans le panorama des traductions spécialisées, la traduction économique occupe une place de tout premier plan, vu son impact sur la communication nationale et internationale. À l’instar de toute langue spécialisée, la langue de l’économie se singularise par des aspects morphosyntaxiques et lexicaux récurrents et par des traits textuels codifiés. Force est pourtant de constater qu’il ne s’agit pas d’une langue homogène, en raison de la diversité du domaine de référence couvrant une vaste gamme de genres textuels. Le discours économique, comme tout autre acte communicatif, est fortement marqué par les pratiques sociales et culturelles qui l’engendrent et en même temps le contraignent ; il est axé non seulement sur des composantes linguistiques, mais aussi sur des données pragmatiques et culturelles, ainsi que sur une visée communicationnelle, relevant de la ‘dimension verticale’ des langues spécialisées, ce qui détermine différents degrés de formalisation et de technicité. Cela n’est pas sans conséquences sur le choix des stratégies traductives, comme on le verra dans la présente contribution qui se donne pour objectif de mettre en évidence quelques particularités lexicales et terminologiques de cette spécialité, dans une perspective contrastive français-italien. On visera notamment les enjeux traductifs majeurs tels que les cas de polysémie ou ‘pluriréférentialité lexicale’, les termes équivoques, les collocations et locutions, les créations néonymiques sous forme d’emprunt ou de calque ; autant de cas qui exigent, d’un côté, de solides connaissances linguistiques et extralinguistiques de la part du traducteur, et de l’autre, un travail de contextualisation préalable à la traduction avec une prise en compte de la situation d’emploi et des destinataires du texte, afin d’aboutir aux solutions les plus pertinentes. Le TC sera un texte fonctionnel qui, tout en respectant les caractéristiques du TS, répondra au contexte linguistico-culturel d’arrivée.

Keywords: polysemy, equivocal terms, collocation, loanwords, calques, polysémie, termes équivoques, emprunts

©inTRAlinea & Alessandra Rollo (2015).
"La traduction économique dans une perspective contrastive français-italien : problèmes terminologiques"
inTRAlinea Special Issue: New Insights into Specialised Translation
Edited by: Daniel Gallego-Hernández
This article can be freely reproduced under Creative Commons License.
Stable URL: https://www.intralinea.org/specials/article/2146

1. Introduction

S’inscrivant dans une perspective contrastive français-italien, cet article souhaite passer en revue quelques difficultés que pose la traduction économique du point de vue terminologique.

Après un bref aperçu des traits caractéristiques de la langue économique, l’attention sera focalisée sur les problématiques liées à son lexique, dont le caractère univoque et transparent n’est pas systématique ; en effet, la fonction référentielle et désignatrice, prioritaire dans les textes économiques, n’exclut pas pour autant la présence de polysémie et de flou terminologique, que seules une connaissance poussée des notions et des dénominations propres à ce domaine et une contextualisation préalable peuvent contribuer à éclairer. De plus, il faut manier les nombreuses cooccurrences et collocations qui ne trouvent pas toujours de pleine correspondance dans le transfert interlinguistique. À ces aspects s’ajoute le foisonnement d’emprunts anglo-américains qui a déclenché des démarches divergentes en France et en Italie : côté français, des actions d’aménagement linguistique visant à endiguer l’envahissement de l’anglais, côté italien, une assimilation presque intégrale de la terminologie anglaise.

L’activité traduisante implique donc un savoir linguistique et extralinguistique de la part du traducteur, avec une prise en compte du niveau pragmatique des textes et des pratiques socio-culturelles liées aux langues de travail.

2. La langue spécialisée économique

Les spécificités de la langue spécialisée, en l’occurrence économique, sont à rechercher dans les ressources de la langue commune, avec une forte spécialisation sur le plan terminologique et une organisation textuelle rigoureuse.[1]

Au niveau syntaxique, on ne saurait identifier des traits distinctifs, mais plutôt une fréquence plus ou moins élevée de certaines formes (style impersonnel, voix passive, présent de vérité, etc.). Les textes sont caractérisés par des liens cohésifs explicites qui assurent l’agencement des énoncés et en expliquent les liens logiques, contribuant ainsi à la planification syntaxique du discours.

Du point de vue lexical, la langue économique se configure comme une langue vivante appelée à désigner des réalités nouvelles, dans un marché mondial dynamique, en constante évolution. Cela a entraîné, surtout ces dernières années, un enrichissement et un renouvellement rapide du vocabulaire, passant par la création de nombreux néologismes souvent issus de l’anglais (stagflation, slumpflation, fidélisation). Au fil du temps, la terminologie a également évolué au nom du ‘politiquement correct’, qui impose le recours à des procédés d’euphémisation en vue d’une information neutre et objective ; c’est ainsi que des termes ou des expressions ayant une connotation péjorative ou dépréciative ont fait place à des formules moins directes et plus atténuées : licenciements > restructurations/ajustement des effectifs, rationalitation, chômeur > chercheur/demandeur d’emploi, se faire virer > bénéficier d’un reclassement, augmentation des prix > réajustement des prix, échec > contre-performance (Rollo 2009: 34).

Pour ce qui est du plan textuel, la langue de l’économie constitue un macro-domaine articulé autour de plusieurs micro-domaines (langue financière, de la Bourse, des échanges commerciaux, des rapports annuels des entreprises, …). Elle couvre donc différents genres textuels : contrats, bilans, rapports financiers, rapports annuels des sociétés, études économiques, dépêches boursières, articles de revues spécialisées, articles de journaux ; autant de genres ‘routiniers’, qui obéissent à des contraintes plus ou moins fortes (Maingueneau 2010: 41-42).

Les formes textuelles sont en fait étroitement liées à la situation de communication (fonction du texte et niveau de compétence des destinataires), c’est ce qu’on appelle la dimension verticale ou pragmatique des langues spécialisées (Cortelazzo 1994). On peut distinguer des textes plus contraignants, comme les écrits économiques spécialisés, destinés à des professionnels, marqués par un haut degré d’abstraction et de formalisme, et des textes moins contraignants, tels que les articles journalistiques, les textes à visée expositive ou vulgarisatrice, aptes à divulguer chez un public de non-initiés une série d’informations, avec plus d’éléments didactiques et moins de termes techniques (Spillner 2007: 125 sqq. ; Scarpa 2010: 15 sqq.).

3. Enjeux de la traduction économique

L’approche du domaine économique du point de vue traductif n’est pas simple du tout. Le traducteur est appelé à transposer des connaissances sectorielles d’une façon claire, précise et efficace.

D’après Scarpa (2001: 70), l’approche sourcière, privilégiée dans la traduction littéraire, cède la place, dans la traduction spécialisée, à une approche cibliste ou localisante, où le texte, en tant que moyen pour transmettre des informations, est adapté aux exigences du public cible. Il faut tenir compte de plusieurs paramètres : niveau de spécialisation, finalité du texte, destinataires, pratiques socio-culturelles. Finalement, le TC sera un texte fonctionnel, susceptible de répondre au mieux au contexte linguistico-culturel d’arrivée, tout en respectant les caractéristiques du TS (Guidère 2008).

Le repérage de correspondances terminologiques et conceptuelles dans les deux langues est un enjeu de taille. Parmi les principales difficultés auxquelles sont confrontés les traducteurs des textes économiques, nous porterons notre attention sur les aspects suivants : cas de polysémie et d’anisomorphisme, faux-amis et termes équivoques, collocations et locutions, emprunts et calques.

4. Polysémie et anisomorphisme

En principe, les termes des langues spécialisées, contrairement aux mots de la langue générale, désignent des concepts précis, spécifiques, avec une correspondance biunivoque 1:1 entre signifiant et signifié. Ils sont censés posséder une valeur purement dénotative et ne devraient donc pas poser de gros problèmes d’interprétation, ni exiger d’inférences pragmatiques au niveau de la cohérence textuelle.

Toutefois, en dépit des propriétés de monoréférentialité et de précision que l’on reconnaît aux textes spécialisés, il y a des cas de polysémie ou bien ‘pluriréférentialité lexicale’ (Bayle 2005 : 12), où seul le contexte permet de désambiguïser et d’identifier la valeur sémique exacte de chaque terme. Il suffit de penser au terme même d’économie, dont le traduisant direct en italien est ‘economia’, mais qui, employé au pluriel, prend en français le signifié de ‘risparmio’ (d’ailleurs, l’expression italienne ‘fare economia’ signifie justement épargner). Il serait donc convenable, comme le suggère Bayle, de parler de ‘tendance à la monosémie’ (ivi: 11) plutôt que de monosémie tout court.

Gotti (1991: 17 sqq.), de son côté, souligne que, lorsque l’on parle de ‘monoréférentialité’, on ne doit pas entendre l’existence d’un seul référent pour chaque terme, tous les mots ayant habituellement plusieurs référents, mais le fait que, dans un contexte donné, il y a un seul signifié attribuable à un terme donné. D’après Calvi (2003: 10), l’univocité sémantique est un trait typique du discours technico-scientifique pur, qui s’adresse à des experts, tandis que les textes de vulgarisation, qui visent à rejoindre le grand public, peu familiarisé avec le domaine spécialisé, sont caractérisés par un large emploi de termes moins techniques et, par conséquent, plus flous, à côté d’expressions imagées (métaphores, métonymies,…), ce qui peut parfois entraîner une transparence illusoire et un plus bas degré de traduisibilité.

Ainsi, même les textes de spécialité violent le principe de monoréférentialité, tantôt de façon non intentionnelle, tantôt comme choix conscient de l’auteur pour éviter une rigidité excessive du langage. En économie notamment, la complexité et l’interconnexion de ses parties ne permettent pas une analyse atomiste ; comme le souligne Keynes, les changements conceptuels fréquents exigent un système expressif plus flexible reposant sur une redéfinition constante des référents des termes employés. Il s’ensuit que l’économie ne peut pas être classée parmi les sciences exactes mais plutôt dans les sciences morales (l’emploi qu’un individu fait d’un certain terme détermine le signifié qu’il lui attribue) (Gotti 2003: 46 sqq.).

Ci-dessous, à titre d’exemple, quelques lemmes qui ont une valence polysémique en français ou en italien, pour lesquels il est indispensable de cerner précisément le contexte d’emploi afin de trouver le traduisant adéquat :

  • Fr. (s.m.) Bilan = It. 1. (m.) Bilancio (Attivo e Passivo) ; 2. (m.) Stato Patrimoniale
  • Fr. (s.m.) Poste = It. 1. (m.) posto di lavoro ; 2. (f.) voce, posta di bilancio ; 3. (f.) postazione (in un laboratorio informatico)
  • It. (s.m.) Bilancio = Fr. 1. (m.) Bilan (bilancio consuntivo) ; 2. (m.) Budget (bilancio preventivo)
  • It. (s.f.) Quota = Fr. 1. (f.) part/quote-part (somma) ; 2. (f.) part sociale/(m.) apport ou action d’apport (quota sociale, quota di partecipazione a società), (f.) cotisation (contributo periodico), (m.pl.) droits/frais d’inscription (quota d’iscrizione), (m.) pourcentage (percentuale)

Fr.

L’ensemble des postes du bilan, à l’exception des capitaux propres revenant au Groupe, est ensuite converti en euros sur la base du cours en vigueur en fin d’exercice ; […]

Les postes du bilan sont convertis au taux de clôture ;

les postes du compte de résultat sont convertis au taux moyen de l’année […] (Cahier financier Carrefour, Rapport annuel 2006)


It.

L’insieme delle voci di bilancio, ad eccezione del patrimonio netto del Gruppo, viene in un secondo tempo convertito in euro sulla base dei tassi di cambio in vigore a fine esercizio ; […]

Le voci dello stato patrimoniale vengono convertite sulla base del tasso di chiusura;

le voci del conto economico vengono convertite sulla base del tasso medio annuale […]

De même, l’italien tariffa, auquel correspondent en français différents traduisants selon le contexte, est un vocable insidieux : dans la plupart des cas – vie économique, transport aérien, droit – tarif (au sein des relations de l’UE et de la politique tarifaire, on emploie le sigle TARIC : Tarif douanier intégré des Communautés européennes > Tariffa doganale integrata delle Comunità europee) ; en politique des communications, informatique et traitement des données tarif (catalogue des valeurs monétaires fixées pour une période donnée pour chacun des services qu’offre l’exploitant d’un réseau de télécommunication), redevance ou taxe (somme due pour une communication dans un réseau de télécommunication) ; dans les échanges économiques et commerciaux barème, tarif ou liste des prix (de l’expression anglaise price list, en italien listino prezzi).

Il faut également rappeler que la langue économique emprunte beaucoup de mots à la langue générale, utilisés avec une acception restreinte (spécialisation sémantique) ou un sens nouveau (néosémie) ;[2] il arrive parfois que certains termes migrent d’un domaine disciplinaire à un autre. Le mot bénéfice, dont la signification commune est ‘beneficio, vantaggio’ (avantage), correspond, dans le domaine économique, à ‘profitto, utile di fine esercizio’. Le mot affectation[3] a le sens de ‘assegnazione, attribuzione, destinazione, allocazione, stanziamento (di fondi, risorse, competenze)’ dans la plupart des contextes, spécialement économique, mais il signifie ‘nomina’ (nomination) en droit administratif ; on pourra aussi employer le terme plus technique allocation[4] (de ressources, de capitaux) ou la locution dotation budgétaire (voir le Rapport spécial n° 13/2013 de la Cour des comptes européenne, dont la version italienne adopte attribuzione delle risorse finanziarie). Ou bien, le mot fortune, c’est-à-dire ‘fortuna’ (chance), peut être utilisé dans la langue générale pour indiquer un ensemble de biens ou une somme d’argent importante, donc comme synonyme de ‘richesse’, mais, dans une acception plus restreinte, surtout en matière fiscale, il équivaut à l’italien ‘patrimonio’ : impôts sur le revenu et sur la fortune > imposte sul reddito e sul patrimonio (Convenzione tra Italia e Francia per evitare le doppie imposizioni sul reddito e sul patrimonio, signée à Venise en 1989, entrée en vigueur en 1992).

Outre ces exemples de polysémie, on peut relever des cas d’anisomorphisme sémantique[5] : aux termes italiens credito et debito correspondent en français respectivement les couples crédit/créance et débit/dette, très fréquents en milieu boursier, financier et bancaire. Dans le premier couple, le terme crédit indique l’acte par lequel une personne, généralement un banquier, met à la disposition d’une autre personne un bien ou une somme d’argent qui devra être restitué(e) (crédit bancaire, acheteur/à l’exportation, à la consommation > credito bancario, all’esportazione, al consumo), mais on dira avoir fiscal pour ‘credito d’imposta’ ; en comptabilité, en partie double, c’est la partie du compte (colonne de droite) où sont inscrites les sommes à recevoir. Le terme créance désigne le droit que possède une personne d’exiger l’exécution d’une obligation ou d’une prestation, notamment le paiement d’une somme d’argent, par métonymie le titre même (créance douteuse, créance non performante > credito in sofferenza, incaglio, créance irrécouvrable > credito inesigibile, créances à un an au plus > crediti fino ad un anno al massimo). Les deux termes impliquent donc un ‘focus’ différent : le premier indique la somme réellement accordée par le créditeur, le deuxième indique la somme que le créditeur doit recevoir d’un débiteur.

Parallèlement, le terme débit, antonyme de crédit, indique la partie du compte (colonne de gauche) où sont enregistrées les opérations comportant la constatation d’une dette née à la charge d’un tiers (Débit/Crédit > Dare/Avere), et encore : facture/note de débit > fattura/nota di addebito. Le terme dette, contrepartie de créance, désigne l’oligation qu’un débiteur est tenu d’exécuter envers son créancier, donc la somme qu’il doit lui verser (contracter/régler une dette > contrarre/saldare un debito, dette publique/dette souveraine > debito pubblico/debito sovrano, dettes à plus d’un an > debiti a più di un anno).[6]

À la lumière de ce qui précède, il n’est pas inutile d’insister sur le fait que le signifié d’un énoncé, qui va bien au-delà de ses composantes linguistiques, dépend tant de son contenu sémantique que du contexte grâce auquel il est interprété, c’est-à-dire des informations contextuelles auxquelles il est lié par le biais des inférences (Gutt 2005: 118).

En fait, l’idée que la polysémie puisse compromettre la réussite de la communication est liée à la confusion fréquente entre polysémie et ambiguïté : un texte spécialisé se doit d’être clair et transparent, sans pour autant annuler totalement la présence de cas polysémiques auxquels un traducteur averti pourra faire face en tenant compte de la situation d’emploi. De même, faute d’un équivalent direct d’un terme de la LS dans la LC (cas d’anisomorphisme), l’analyse du domaine conceptuel et de l’environnement contextuel sera fondamentale pour la sélection du traduisant le plus adéquat (Prandi 2009).

5. Faux amis et termes équivoques

Dans le domaine économique, on peut aussi être exposé au risque de faux amis et de termes équivoques, souvent source de confusion. Il faut choisir les traduisants avec le plus grand soin, car un terme impropre pourrait déterminer une altération du sens de l’information et une mauvaise interprétation du message.

Voilà quelques exemples de faux amis lors du transfert français-italien : effectif(s) (subst. plur., plus rare au sing.) > organico, personale, pianta organica, staff (non pas ‘effettivo’ comme adjectif : réel ; actif, dit d’associé, membre), personnes morales > persone giuridiche ou, selon une vieille terminologie, ente morale (non pas ‘persone dotate di morale’ : personnes avec une morale, en un sens éthique), patente > licenza di esercizio (non pas ‘patente’ : permis de conduire). Viceversa, de l’italien au français, il ne faut pas tomber dans l’erreur d’une traduction littérale dans les cas suivants : assumere > recruter, embaucher (et non pas ‘assumer’ : farsi carico di un obbligo, assumere(si) una responsabilità), immobilizzazioni materiali/immateriali > immobilisations corporelles/incorporelles (non pas ‘immobilisations matérielles/immatérielles’), mais propriété immatérielle/intellectuelle pour ‘proprietà intellettuale’, istituti di credito > établissements de crédit (non pas ‘instituts de crédits’), etc.

Il y a deux termes qui sont souvent employés de façon interchangeable, et par là même inappropriée, au point qu’ils peuvent s’avérer équivoques : courtier et trader, l’appellation courtier étant utilisée pour désigner un trader. Un courtier (intermédiaire financier, agent de change, intermédiaire de bourse), en anglais broker, est un intermédiaire qui agit au nom d’une société (courtier de banque, courtier d’assurances) dans une opération généralement financière ; c’est un auxiliaire du commerce, chargé de rapprocher les intérêts des acheteurs et des vendeurs, mais il n’achète ni ne vend. Le terme anglais trader désigne, par contre, un négociateur de produits financiers, un commerçant qui achète ou vend en son nom ou au nom de son employeur ; l’équivalent français recommandé est opérateur de marché (de salle de marché) ou opérateur financier.

Le traducteur italien devra au préalable identifier correctement le référent du terme employé en français, après quoi il procédera au choix du bon traduisant : à savoir, pour courtier le terme anglais broker (éventuellement ‘agente di cambio/di borsa’) alors que trader reste tel quel.

6. Collocations et locutions

Les technicismes relevant de la phraséologie sont un autre aspect auquel il faut prêter attention ; la maîtrise des collocations et des cooccurences habituelles d’un terme constitue un atout précieux dans la traduction, afin d’éviter les mal-dits et les choix lexicaux erronés.

Prenons, par exemple, les cooccurrents les plus fréquents du terme action (ou titre ou valeur immobilière) (Cohen 2011) :

  • s’adjuger n, (re)gagner n, (re)prendre n, céder n, perdre n, consolider, évoluer, fluctuer, osciller, se stabiliser, stagner, baisser, fléchir, faiblir, tomber > aggiudicarsi, (ri)guadagnare, (ri)prendere, cedere, perdere, consolidare, evolvere, fluttuare, oscillare, stabilizzarsi, ristagnare, calare/essere in ribasso, flettere/diminuire, indebolirsi, cadere ;
  • avancer (de n), augmenter (de n), monter (de n), progresser (de n), bondir (de n), s’envoler (de n), remonter (de n), chuter (de n), glisser (de n), plonger (de n) > avanzare, aumentare, salire, progredire, balzare, decollare/impennarsi, risalire, crollare, scivolare, sprofondare.

D’autres cas de combinaisons lexicales :

  • admettre/inscrire/introduire à la cote > ammettere/iscrivere al listino, quotare ;
  • cours (taux/taux de change) pivot/plancher/plafond/comptant/à terme > tasso centrale/corso (tasso/tasso di cambio) più basso/più alto/a pronti/a termine.

Parfois, le traducteur a affaire à des termes plus génériques qui régissent une collocation très précise dans le TC : par exemple, l’adjectif italien depresso sera traduit par déprimé(e) si l’on parle de l’économie et de l’industrie, sous-développé(e) si l’on se réfère à un pays ou à une région, déshérité(e), défavorisé(e) si l’on désigne une couche sociale, un milieu (ou une région). Ce sera, une fois de plus, la mise en contexte et la prise en compte des contours d’un terme qui orienteront le traducteur vers la solution la plus pertinente.

À côté des collocations, il y a les locutions ou polyrhématiques telles que : appel d’offres > gara d’appalto, indemnité de vie chère > indennità di contingenza/di carovita, taux d’imposition > aliquota d’imposta/aliquota fiscale, assiette fiscale > base imponibile, recettes fiscales > gettito fiscale, dérive fiscale > drenaggio fiscale/fiscal drag, avis de mise en demeure > (en finance) ingiunzione.[7] Dans la plupart des cas, on est en présence d’une équivalence, l’expression figée de la LS étant remplacée par une autre, équivalente, de la LC ; dans d’autres cas (avis de mise en demeure > ingiunzione), on a recours au procédé d’économie (en le cas d’espèce, au procédé de concentration, qui n’est pas lié à des choix de la part du traducteur mais aux règles spécifiques de la LC).

Il peut également arriver que des expressions ou des termes plus concis en français nécessitent un étoffement en italien : appliquer une décote > (finance) applicare una riduzione decrescente dell’imposta, (comptabilité) applicare una riduzione di valore, boursicoteur > piccolo investitore (cas de diluition), barème > listino (traduction directe), tabella dei contributi/cartella esattoriale (explicitation), tabella delle aliquote contributive (périphrase), abattement > abbattimento, detrazione ou sgravio fiscale (explicitation).[8]

Il va de soi que le choix parmi un éventail de traduisants, tous corrects, sera dicté par la teneur du texte et par les compétences que les destinataires sont censés posséder. Si, dans une communication entre pairs (spécialistes-spécialistes), c’est le langage technique qui assure la transparence professionnelle, quand on s’adresse à des profanes, l’excessive technicité est synonyme d’opacité, d’où la nécessité d’éclairer le sens du message.

7. Emprunts et calques

L’un des traits marquants des textes économiques est l’emploi massif de termes anglo-américains, l’anglais s’étant affirmé depuis longtemps comme lingua franca ou langue véhiculaire de la communication internationale, en tant que reflet et mesure de la puissance du système socio-économique des États-Unis sur le marché mondial.

L’italien et le français adoptent à cet égard des attitudes distinctes, qui relèvent de facteurs d’ordre pragmatico-culturel : alors que l’italien considère l’anglais comme une langue de prestige social et économique aussi bien dans l’usage courant que dans les contextes spécialisés (d’où l’emploi d’emprunts de nécessité et d’emprunts de luxe), le français montre une forte résistance à l’intégration de mots étrangers et encourage la formation de néologismes forgés ad hoc comme alternative au ‘tout-anglais’.[9] Les deux langues privilégient donc l’une, l’assimilation, et l’autre, la non-assimilation des anglicismes.

Ci-après, quelques exemples de termes anglais désormais acquis dans le langage économique international, auxquels correspondent des formes indigènes en français : rating > notation, governance > gouvernance, empowerment > renforcement d’équipe, bail-in > recapitalisation interne/renflouement interne, benchmarking > référenciation, étalonnage, parangonnage, méthode de référence (benchmark bond > obligation de référence/obligation-phare).

Plutôt que d’avoir recours à l’emprunt, le français préfère évidemment la création néonymique dans ses multiples formes, y compris le calque, qui est devenu ‘une source importante de pénétration en français de significations anglaises’ (Lederer 1994 : 114). C’est le cas des calques sémantiques : l’adjectif global, dont le signifié originel est ‘entier, total’, a enrichi son spectre sémantique sous l’influence de l’anglais global en prenant aussi la signification de ‘mondial, universel’. Il y a d’autres exemples de glissement sémantique et de spécialisation des mots : opportunité, de l’anglais opportunity, pour indiquer une combinaison de circonstances favorables et avantageuses dans la vie ou dans la carrière, donc une occasion, une aubaine surtout au travail ; profitable, de l’anglais rentable, pour se référer à la rente d’un investissement (en français, le sens premier de ‘profitable’ ne relève pas du domaine financier mais plutôt du domaine moral ou matériel) ; facilités, de l’anglais facilities, pour indiquer les aménagements et les équipements facilitant l’exécution d’une action, surtout dans un lieu de travail (mais aussi : credit facilities > facilités de paiement, credit facility(ies) > facilité de crédit/ligne de crédit/ouverture de crédit, financing facility > facilité de financement/mécanisme de financement/ligne de crédit, committed facility > facilité engagée).

Les calques structuraux (ou calques-traduction) sont encore plus fréquents : default (of payment) > défaut de paiement, retail price > prix de (vente en) détail, outsourcing > externalisation, insourcing > internalisation, offshoring > délocalisation (à l’étranger), marketing > mercartique, Eurobond > euro-obligation, Blue Bond > obligation bleue.

À l’encontre du français, l’italien est défini comme une langue démocratique ou emprunteuse, ouverte aux apports provenant d’autres langues, notamment l’anglais, langue prêteuse par excellence. Il s’agit surtout d’emprunts purs ou intégraux (default), associés à des emprunts hybrides (default selettivo) et des emprunts adaptés ou intégrés sous forme de calques (eurolandia, dérivé de euroland) (voir Gusmani 1986, Bombi 2005).

La lecture de textes comparables confirme la tendance de la langue française à opter pour l’acclimatation des emprunts et l’emploi d’équivalents, alors que l’italien intègre sans problème les termes anglais dans son vocabulaire :

Fr.

Shutdown : contre-la-montre final pour éviter le défaut de paiement

[…] les États-Unis se retrouveront en défaut de paiement. (La Tribune.fr, 16/10/2013, 7:25)


It.

Riunione sul default degli Usa

La Fed ha tenuto una riunione […] per discutere l’ipotesi di uno scenario di default degli Stati Uniti. (Il Sole 24 ORE, 20/11/2013)


Fr.

Ce problème pourrait être atténué par la communication obligatoire des positions sur CDS des investisseurs qui détiennent une fraction importante des obligations de référence. (Banque de France, Revue de la stabilité financière n. 14/2010, p. 68)

[…] Nouveau benchmark pour les gérants

Nyse Euronext regroupe une grande diversité d’indices avec plus de 400 références qui sont classées en trois catégories […] (zonebourse, 30/08/2013, 16:20)


It.

Rendimenti dei titoli benchmark. (Banca d’Italia – Rapporto stabilità finanziaria n. 5/2013, p. 13)

Snam: in emissione bond benchmark a 10 anni

Snam ha avviato in mattinata l’emissione di un prestito obbligazionario senior non garantito con durata decennale e di ammontare benchmark. (Corriere della Sera.it, 14/01/2014, 11:12)


Fr.

Les produits dérivés de gré à gré : nouvelles règles, nouveaux acteurs, nouveaux risques (Banque de France, Revue de la stabilité financière n. 17/2013, p. 68)

Si les marchés opèrent de gré à gré […] (p. 95)

La déclaration ne concerne que les dérivés de gré à gré […] (p. 110)


It.

[…] sono infine strumenti over-the-counter la cui valutazione si fonda su complessi modelli interni degli intermediari. (Banca d’Italia – Rapporto stabilità finanziaria n. 6/2013, p. 34)

Gli scambi non assistiti da garanzie (unsecured) rimangono ridotti sia sul mercato elettronico e-MID sia sul segmento over-the-counter (OTC) […] (p. 45)


Fr.

Accord européen sur le renflouement des banques en difficulté

Les Européens se sont mis d’accord […] sur une directive prévoyant des règles de renflouement interne des banques, ou bail-in, afin d’éviter de faire participer le contribuable au sauvetage des établissements financiers.

[…] Si une banque est proche de la faillite, le renflouement interne ou bail-in s’appliquera, par opposition au bail-out privilégié pendant la crise et qui faisait appel à l’argent public, creusant ainsi les déficits. (Le Monde.fr, 12/12/2013, 02:10)


It.

Infatti, la vera novità dell’approccio europeo riguarda il principio del bail-in. […] l’onere delle crisi bancarie a partire dal 1° gennaio 2016 non ricadrà più sui contribuenti, ma su azionisti, obbligazionisti e depositanti sopra i 100mila euro.

[…] Secondo l’approccio del bail-in, oltre a introdurre un sano principio di equità che eviti di far pagare al povero contribuente gli errori o le malefatte dei banchieri, il meccanismo dovrebbe limitare l’azzardo morale di chi investe nel capitale delle banche o gli fa credito […]. (affariitaliani.it, 23/12/2013, 13:42)

Force est pourtant de constater que, même dans la langue de l’Hexagone, en dépit de la bataille des puristes et des Recommandations officielles, on a enregistré une implantation progressive d’anglicismes, en premier lieu sous l’impulsion des médias. On peut rencontrer des emprunts purs, tels que spread (écart [de prix, de rendement]), stock (réserve, provision), start-up (jeune pousse, entreprise en démarrage), spin-off (essaimage, scission, recentrage), swap (contrat d’échange, échange financier), stock options (option sur actions/option d’achat d’actions/option sur titres),[10] lobby (groupe de pression, groupe d’influence, groupe d’intérêt), business plan (plan d’affaires, plan de développement), ou des emprunts hybrides, comme société holding (société financière, compagnie, groupe conjoint). Au cours des dernières années, les termes benchmark/benchmarking, entre autres, ont enregistré un envol par rapport au correspondant français, comme le démontrent les graphiques produits par Google Ngram Viewer qui permettent d’observer l’évolution de la fréquence de ces termes dans les textes composant le corpus Google français (.doc).

Ce phénomène, souvent stigmatisé comme franglais, est essentiellement dû à des raisons d’efficacité et de pragmatisme communicationnel, étant donné que l’anglais permet de mieux répondre aux exigences de la communication internationale en assurant plus d’immédiateté d’expression ainsi qu’une reconnaissabilité globale du terme. En plus, il ne serait pas à exclure que cet élan vers l’emploi de termes anglais relève de ‘la recherche d’un effet stylistique emphatique, d’une connotation positive/négative que l’on reconnaît à l’anglo-américain chargé d’une forte valeur symbolique’ (Dancette 2009: 39).

Ainsi arrive-t-il de plus en plus fréquemment de rencontrer une terminologie que l’on pourrait qualifier de fluctuante, appuyée sur l’emploi conjoint du terme anglais – parfois prépondérant – et de son équivalent français :

Fr.

Les spreads italien et espagnol reviennent sous 200 points

Les écarts de rendement (spreads) entre les obligations italiennes et espagnoles et les Bunds allemands sont tombés vendredi […]

Le rendement à 10 ans italien a touché un point bas à 3,935%, ramenant le spread par rapport aux titres allemands […]

Le rendement espagnol était quant à lui en recul de six points à 3,93% et le spread par rapport aux Bunds était inférieur à 200 points pour la première fois depuis mai 2011. (Les Echos – Bourse, 03/01/2014, 10:41)

ou, tout simplement, on utilise le terme anglais :

Fr.

Financement des start-up : les industriels incités à monter en première ligne

Le gouvernement mettra en place cette année un amortissement fiscal destiné à encourager l’investissement des grandes entreprises dans les start-up.

[…] face à la multiplication de start-up plus inventives et agiles les unes que les autres. (La Tribune.fr, 21/01/2014, 13:35)

Sur le plan traductif, le passage d’une langue à l’autre se ressent des variables socio-culturelles des pays impliqués. Le traducteur italien, qui se retrouve face à des termes français calqués sur les termes anglais plus connus, opte généralement pour les emprunts anglais : par exemple, nouvelle économie sera traduit par new economy au lieu de ‘nuova economia’, Fonds d’investissement de proximité par Fondo d’investimento retail au lieu de ‘Fondo d’investimento di prossimità’, gestion des risques par risk management au lieu de ‘gestione dei rischi’, externalisation par outsourcing, préféré à la traduction littérale ‘esternalizzazione’, marché haussier/marché baissier par Bull market/Bear market ou mercato sotto il segno del Toro/dell’Orso (calque de la métaphore anglaise) au lieu de ‘mercato rialzista/mercato ribassista’. Dans ces cas, on utilise le caractère italique pour le terme anglais ou le simple caractère romain.

Au besoin, le traduisant italien pourra être adopté en alternative au terme anglais, en tant que synonyme :

It.

Gli spread tornano ai livelli pre-crisi

[…] Gli investitori vedono allontanarsi i rischi di una dissoluzione dell’Eurozona, e gli spread tornano ai livelli pre-crisi: il differenziale BTp-Bund è sceso a quota 198. […] Il calo dello spread ha spinto in alto i titoli bancari. (Il Sole 24 ORE, 08/01/2014)

ou avec une fonction explicitante, en raison du contexte communicatif. Tel est le cas, surtout, des textes de vulgarisation finalisés à véhiculer un message clair et intelligible auprès des non-spécialistes ou des gens peu rompus à une telle terminologie (par ex., les documents plurilingues de l’UE et de la CE) :

It.

Firewall a difesa della stabilità finanziaria

[…] I paesi dell’UE hanno rapidamente reagito instaurando un firewall, ossia un muro di protezione costituito da una serie di misure per ristabilire la fiducia e facilitare il finanziamento del debito dei paesi che incontravano temporaneamente difficoltà ad ottenere prestiti sui mercati finanziari. (europa.eu, 4/2013, p. 9)

ou bien encore, lorsque l’on emploie des anglicismes récents ou tout à fait nouveaux même pour un public d’adeptes :

It.

In compenso, il nostro Paese […] è stato uno dei primissimi ad adottare con il «Decreto Crescita 2.0» una legge sul crowdfunding (letteralmente «finanziamento dalla folla»): attraverso portali online, si raccolgono capitali di rischio per aiutare la nascita di imprese fortemente innovative. (Corriere della Sera.it, 28/01/2014)

De son côté, le traducteur français qui a affaire à un document italien farci d’emprunts à l’anglais préfère les équivalents français attestés. L’expression strumenti over-the-counter, assez récurrente dans le lexique italien de la bourse et du marché financier, est un cas emblématique ; la traduction néologique en français peut être suivie de la dénomination en anglais (avec, éventuellement, le sigle correspondant entre parenthèses), en vertu de l’usage répandu de la forme anglaise au niveau international :

Fr.

marchés de produits dérivés traités de gré à gré (overthecounter – OTC – derivatives) (Banque de France, Revue de la stabilité financière n. 17/2013, p. 5)

produits dérivés échangés de gré à gré (overthecounter– OTC) (p. 21)

marché des dérivés de gré à gré (overthecounter – OTC) (p. 22)

un marché de gré à gré (overthecounter – OTC) (p. 140)

Parfois, on omet le terme anglais (firewall, dans le cas qui suit), s’il n’est pas essentiel :

Fr.

Des mesures pour protéger la stabilité financière

[…] les pays de l’UE ont réagi rapidement en mettant en place des mesures de protection visant à […] (europa.eu, 4/2013, p. 9)

En revanche, s’il s’agit d’anglicismes entrés de façon systématique dans l’emploi professionnel et donc plus facilement reconnaissables (tels les noms de produits financiers très connus), le traducteur français gardera l’emprunt : swap/Credit default swaps (CDS).

8. En conclusion

Au cours de notre analyse, qui est forcément limitée pour des raisons d’espace, nous avons voulu ouvrir un volet sur quelques particularités terminologiques et sur les enjeux de la traduction économique fr.-it.-fr. qui peut cacher plusieurs embûches (polysémie, faux-amis, collocations, néologismes,…) ; les exemples illustrés ci-dessus en témoignent.

Tout en se voulant clairs et transparents, dépourvus de toute sorte d’ambiguïté conformément aux propriétés inhérentes aux domaines spécialisés, les textes économiques posent de nombreuses difficultés traductives, notamment aux niveaux lexico-sémantique et pragmatique, qui exigent une évaluation attentive aussi bien du co(n)texte d’emploi que des destinataires de la communication, en plus d’une connaissance solide et toujours mise à jour du secteur dont il est question.

Fort des outils terminologiques et des ressources en ligne dont il dispose, le traducteur sera à même de cerner les problèmes qui se posent et de trouver les solutions les plus appropriées et les plus efficaces, en s’appuyant sur les compétences extralinguistiques acquises lors de son expérience et sur sa subjectivité (ce qui ne veut pas dire qu’il soit arbitraire). Il pourra ainsi mener à bien sa tâche et produire un TC qui soit équivalent et pour le fond et pour la forme au TS, en entendant par équivalence une ‘relation d’égalité de valeur quant à leur fonction’ (Reiss 2009: 169).

Nous souhaitons qu’à l’avenir la réflexion traductologique puisse mieux se conjuguer avec l’activité pratique de traduction dans le domaine économique, les deux sphères ne pouvant que bénéficier d’une plus grande synergie et d’une plus grande collaboration réciproque, en vue d’une amélioration et d’une optimisation des performances des traducteurs.

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Notes

[1] Pour un approfondissement, voir Lerat 1995, Scarpa 2001, 2010.

[2] Voir la distinction des catégories terminologiques opérée par Sager, in Scarpa 2002 : 28 sqq.

[3] Son homonyme est traduit par ‘affettazione’ (manque de naturel).

[4] Le terme allocation signifie aussi ‘assegno, sussidio, indennità’ : allocations familiales > assegni familiari, allocation (de) chômage > sussidio di disoccupazione, allocation (de) logement > sussidio versato dallo Stato per l’alloggio.

[5] Divergence entre les unités lexicales de deux langues différentes : tout en ayant un contexte d’emploi semblable, elles possèdent des signifiés qui ne sont pas parfaitement superposables les uns aux autres.

[6] Il nous semble opportun de mentionner, à ce sujet, l’article de Danio Maldussi (2013) qui, abordant la complexité du réseau de relations entre ces couples de termes, suggère de parler de ‘relation de converse’ plutôt que d’antonymie.

[7] En droit, ‘messa in mora, diffida’.

[8] Pour les procédés traductifs d’économie et d’étoffement, voir Delisle, Lee-Jahnke et Cormier (dir.) 1999.

[9] L’enrichissement néologique du français contemporain est le résultat d’une fructueuse collaboration entre organismes officiels, institutions et usages linguistiques du peuple français et francophone (Zanola 2001 : 201) ; parmi les principaux organismes, rappelons l’Académie française, la Délégation générale de la langue française, les Commissions de terminologie et l’association A.P.F.A. (Actions pour promouvoir le Français des Affaires).

[10] En français, on distingue ‘option d’achat d’actions’ et ‘option de souscription d’actions’, les deux expressions n’ayant qu’une traduction en anglais : stock option (c’est la raison pour laquelle les experts ont tendance à utiliser en français l’expression anglaise).

About the author(s)

Alessandra Rollo is a Tenured Researcher of French Language and Translation at the University of Salento.
In 2005 she received her Ph.D. in French Linguistics from the University of Salento; the subject of her dissertation was Cognitive Linguistics. In 2007 she attended a Distance Specialization Course in “Specialized economic, banking and financial translation”.
In addition to a regular didactic activity at the University of Salento, she has held some courses in postgraduate Masters.
Her main research interests are in the areas of: Cognitive Linguistics and its implications in the domains of pragmatics and translation; specialized translation (mainly economic and multimedia fields).
She has published three volumes (“La Linguistica Cognitiva: dalle teorie alla grammatica”, 2004, “Regards sur le français contemporain”, 2009, “Bande dessinée et jeux de mots. Enjeux et stratégies traductives dans la traduction italienne d’‘Astérix’”, 2012), besides other articles on French language and linguistics.

Email: [please login or register to view author's email address]

©inTRAlinea & Alessandra Rollo (2015).
"La traduction économique dans une perspective contrastive français-italien : problèmes terminologiques"
inTRAlinea Special Issue: New Insights into Specialised Translation
Edited by: Daniel Gallego-Hernández
This article can be freely reproduced under Creative Commons License.
Stable URL: https://www.intralinea.org/specials/article/2146

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