Special Issue: Terminologia e traduzione: interlinguistica, intralinguistica e intersemiotica

Terminologie discursive et traduction :

« mode de vie » vs « way of life / lifestyle » dans les documents institutionnels français et anglais de l’Union européenne (1964-2019)

By Rachele Raus (University of Bologna, Italy)

Abstract

English:

This article will investigate a corpus drawn from Eur-lex – the EU’s legal documents database – from 1964 to 2019 to see how the French syntagm “mode de vie” and its equivalents (“way of life” and “lifestyle”) in the English “eurospeak” (Goffin 1994) are used in discourse and how, on the contrary, they are present in IATE –the EU’s multilingual terminology database– for translation purposes. The research, which covers a broad diachrony, will show these terms refer to concepts that are different in English. This will allow us to revisit the discourse approach and analysis of terms for translation purposes and to enrich multilingual terminological databases such as IATE.

French:

Cet article entend questionner un corpus tiré de la base de données des documents juridiques de l’UE, Eur-lex, de 1964 à 2019 pour voir la manière dont le syntagme français « mode de vie » et ses équivalents (« way of life » et « lifestyle ») dans l’« eurolecte » (Goffin 1994) anglais sont utilisés en discours et comment, au contraire, ils sont présents dans la base de données terminologiques multilingues de l’UE, IATE, à des fins de traduction. La recherche, qui couvre une diachronie large, montrera que ces termes renvoient à des concepts qui se différencient en anglais, ce qui nous permettra de revenir sur l’intérêt de l’approche et de l’analyse discursives des termes à des fins de traduction et d’enrichir, en conséquence, les bases de données terminographiques multilingues comme IATE.

Keywords: discourse approach to terminology, European discourse, lifestyle, terminologie discursive, discours européens, mode de vie

©inTRAlinea & Rachele Raus (2023).
"Terminologie discursive et traduction : « mode de vie » vs « way of life / lifestyle » dans les documents institutionnels français et anglais de l’Union européenne (1964-2019)"
inTRAlinea Special Issue: Terminologia e traduzione: interlinguistica, intralinguistica e intersemiotica
Edited by: Danio Maldussi & Eva Wiesmann
This article can be freely reproduced under Creative Commons License.
Stable URL: https://www.intralinea.org/specials/article/2643

Introduction

Depuis plus d’une décennie, nous nous sommes intéressée à la terminologie d’après une approche discursive (Raus 2013), en reliant ce domaine à la traduction. Si le 20e siècle a vu un rapprochement des deux disciplines (Zanola 2018 : 35), des auteurs ont constaté leur éloignement progressif depuis la première décennie du 21e siècle (Gouadec 2005, Humbley 2011). Cette tendance semble s’être nuancée récemment grâce aux approches socio-discursives de la terminologie (voir, entre autres, Altmanova, Centrella, Russo 2018 et Berbinski, Velicu 2018).

C’est justement à l’intérieur de cette contre-tendance que cet article entend questionner un corpus tiré de la base des documents juridiques de l’UE (Eur-lex)[1] en français et en anglais de 1964 à 2019 pour voir la manière dont le syntagme français « mode de vie » et ses équivalents dans l’« eurolecte » (Goffin 1994, 2002) anglais (« way of life » et lifestyle ») sont utilisés en discours et comment ils sont présents dans la base de données terminologiques multilingues de l’UE (IATE)[2] à des fins de traduction.

Après avoir présenté le corpus et la méthode d’analyse, nous allons observer les toutes premières attestations des syntagmes « mode de vie » et « way of life » pour ensuite passer à l’introduction du concept anglais « lifestyle » en 1973, qui, tout en étant traduit par « mode de vie », renvoie en fait à quelque chose de nouveau.

L’évolution des termes dans une diachronie large montrera qu’ils se différencient en anglais, ce qui nous permettra de mener des réflexions sur l’intérêt de l’approche discursive de la terminologie à des fins de traduction et de revenir de manière critique sur la base de données terminographiques européenne IATE.

1. Présentation du corpus et de la méthode d’analyse

Le corpus que nous avons extrait d’Eur-lex se compose de 1466 documents anglais (455 pour les occurrences de « way of life » et 1011 pour les occurrences de « lifestyle ») et de 937 documents français, dont la plupart sont rédigés par la Commission (dorénavant CE[3]) (167 documents pour « way of life », 548 pour « lifestyle ») et par le Parlement européen (dorénavant PE) (52 documents pour « way of life » et 243 pour « lifestyle »). Le désalignement entre le nombre des documents dans les deux langues pourrait surprendre si l’on pense que l’entrée du Royaume-Uni dans la Communauté européenne date de janvier 1973. Cependant, il se justifie par le fait qu’en français « mode de vie », qui normalement traduit les deux mots anglais, est parfois reformulé par des équivalents variés, comme « niveau de vie », « genre de vie », etc. C’est par exemple le cas du Comité économique et social européen (dorénavant CESE), qui a tendance à utiliser des équivalents qui ne se figent pas dans des syntagmes stables. Parmi les synonymes de « mode de vie », le seul équivalent qui est relativement fréquent est « style de vie ». Ce dernier est pourtant utilisé pour traduire la cooccurrence anglaise « life style », quand ce syntagme n’est pas la variante graphique de « lifestyle » et qu’il renvoie plutôt à un concept du domaine médical, particulièrement pharmaceutique[4].   

Bien que les termes concernés ne soient pas des termes juridiques puisqu’ils concernent plutôt le domaine social et/ou de la santé, la base de données Eur-lex reste fondamentale pour observer leur évolution parce qu’elle permet d’observer l’eurolecte (Goffin 1994 : 637) dans toutes ses composantes terminologiques, entre autres, celle de la terminologie « sectorielle » (Nystedt 1999 : 205), comme dans le cas étudié ici.

Notre corpus ne se compose pas seulement de documents législatifs mais aussi de documents « atypiques » (Cosmai 2014 :115) préparatoires à la législation, comme les résolutions du Parlement et du Conseil de l’Union et les communications de la Commission, plus connues par l’acronyme COM (Raus 2010). Cependant, l’interdiscours présent dans le corpus législatif et le renvoi fréquent aux documents politiques de l’UE, dont une partie est présente dans Eur-lex, nous a obligée à consulter un corpus de référence large, incluant les discours des Présidents de la Commission européenne Jean-Claude Juncker (2016) et Ursula von der Leyen (2019).

La période temporelle que nous avons choisie (1964-2019) se justifie en relation avec la parution du syntagme français en 1964 et par la présence d’un « moment discursif » (Moirand 2007 : 4) représenté par le discours d’Ursula von der Leyen du 12 septembre 2019. En effet, comme tout moment discursif, ce discours laissera des traces dans les discours européens produits par la suite, comme nous le verrons dans la section 4.

Par rapport à la méthode d’analyse, nous avons d’abord observé les tendances principales de l’évolution des mots examinés à travers l’utilisation de l’outil Sketch Engine[5]. Cependant, comme notre approche se veut discursive (Raus 2013) et que nous faisons référence à l’analyse du discours « à la française » (Moirand 2020), nous avons donné la priorité à la notion d’interdiscours (Paveau 2008), ce qui nous a fait privilégier l’analyse qualitative des documents.

Par rapport à la traduction des termes, les versions anglaises et françaises des documents analysés doivent être considérées comme des versions à part entière en raison du fait que d’une part, la notion d’« original » du texte n’est pas vraiment pertinente lorsqu’on considère les procédures de rédaction et de traduction des textes de l’Union européenne (Wagner, Bech, Martinez, 2002 : 46 ; Ringe 2022 : 29-30)[6], et que, de l’autre, le corpus anglais n’existe pas avant 1973 et que l’entrée du Royaume-Uni et l’élargissement progressif de l’Union ont produit un basculement par rapport à l’utilisation des langues française et anglaise lors de la rédaction des textes. Il suffit de penser que, par rapport à la production des pages de la seule Commission européenne, on est passé de 45% de textes sources en anglais et de 41 % de textes sources en français en 1997 à 84,38 % et 2,58% respectivement en 2020 (Raus 2022 : 66).

2. Premières attestations des syntagmes français et anglais

2.1 Le concept « mode de vie » en français

C’est dans l’exposé des motifs du document COM 64(248) relatif à la proposition du règlement portant sur le droit aux prestations en nature de l’assurance maladie maternité et aux allocations familiales pour les membres de la famille ne résidant pas dans le même pays que le travailleur que nous trouvons la première attestation du syntagme « mode de vie » dans le corpus français :

Si des raisons d’ordre moral militent pour le regroupement des familles dans le pays d’emploi au bout d’un certain temps, et si la Commission a à cœur de favoriser par des moyens appropriés ce regroupement, et demande que les États membres développent leurs efforts dans le même sens, il n’est pas moins vrai que, dans de nombreux cas, le transfert de résidence des membres de la famille dans un pays dont ils ignorent complètement la langue et où le mode de vie est différent pose des problèmes très sérieux[7]. (CE 1964 : 4)

Comme en 1964 le Royaume-Uni ne fait pas encore partie de l’alors CEE la version anglaise de ce document n’existe pas.

En comparant l’extrait cité avec la définition de « mode de vie » donnée par le Trésor de la langue française informatisé, dictionnaire qui permet de suivre l’évolution des mots depuis le 19e siècle, nous nous rendons compte que le syntagme renvoie à des aspects particuliers d’une civilisation :

MODE (2), subst. masc. Forme particulière sous laquelle se présente un fait, un phénomène. Synon. forme, genre. Mode de vie. Notre idée des lois de la nature (...) est le grand résultat des sciences physiques, non pas de telle ou telle expérience, mais d’un mode d’induction très général (RENAN, Avenir sc., 1890, p.258). La mémoire est-elle un mode de communication entre le moi actuel et le moi passé ? (G. MARCEL, Journal, 1919, p.187). D’autres modes d’existence et de civilisation sont possibles (CARREL, L’Homme, 1935, p.358). (Trésor de la langue française informatisé[8]).

Ce sens, qui survit encore aujourd’hui et qui est considéré comme littéraire par le dictionnaire Larousse[9], est fort proche du concept européen, comme nous pouvons le constater également par cet autre exemple tiré du document COM 71(268) de 1971 :

L’usage croissant de la voiture individuelle pour les déplacements urbains crée des problèmes qui obligent à repenser toute la question de l’aménagement des grandes agglomérations et du mode de vie dans celles-ci. (CE 1971 : 30)

Les extraits européens montrent que « mode de vie » est un concept qui renvoie à des zones (« un pays », « les grandes agglomérations ») qui présentent des modes de vie spécifiques par rapport auxquels on peut ressentir des exigences nouvelles (« le transfert de résidence des membres de la famille », « l’usage croissant de la voiture individuelle »).

2.2 Le concept « way of life » en anglais

La première attestation du concept anglais dans le corpus de l’UE date de 1975. Il s’agit du document COM (75)642 sur les conditions de mise en œuvre et d’utilisation des aides par les États associés, les pays et les territoires bénéficiaires. Voici les versions anglaise et française de l’occurrence concernée :

De plus, il s’agit d’adapter la conception technique au niveau des connaissances des utilisateurs, ainsi qu’aux besoins véritables et au mode de vie des usagers vivant dans la zone concernée. (CE_FR 1975 : 50)

The technical design of the project should be tailored to the users’ level of education, real requirements and way of life in the area concerned. (CE_EN 1975 : 50)

Comme pour son équivalent français, le syntagme anglais renvoie à des zones (“area concerned”) et à des exigences spécifiques de la part des groupes d’individus (“users”), ce qui n’étonne pas, étant donné que les deux versions sont sans doute la traduction l’une de l’autre.

À ce propos, il faut remarquer que le dictionnaire Oxford en ligne[10] donne trois définitions de « way of life », la première datant du XVIIe siècle, les deux autres remontant au XIXe siècle : 1. « A settled or habitual pattern of behaviour followed by a person or group »; 2. « A dominating interest, occupation, or goal »; 3. « Something which is used habitually ». Par rapport donc au syntagme européen, l’anglais britannique attribue l’expression à des individus ou à des groupes de manière indifférenciée, comme il arrive aussi pour « lifestyle », utilisé dès 1849 pour définir « A style or way of living (associated with an individual person, a society, etc.) ». Le renvoi à « way of living », qui à son tour est considéré comme reformulation originelle de « way of life » (au 1er sens), est présent dans toutes les deux entrées « way of life » et « lifestyle ». Cependant, la présence dans l’OED des syntagmes dérivés « lifestyle drugs », « lifestyle brand / advertising / marketing » et « lifestyle group » à partir du XXe siècle permet de voir que c’est ce deuxième mot qui a tendance à être utilisé dans les domaines médical et économique et qu’il a besoin du mot « group » pour renvoyer à un collectif, ce qu’on pouvait déduire par la définition spécifique de « lifestyle » qui est également présente dans l’OED (« esp. the characteristic manner in which a person lives (or chooses to live) his or her life »).

C’est justement le trait du « lifestyle » lié à l’individu que nous allons voir dans la prochaine section, en analysant l’utilisation du mot dans le discours de l’UE.

3. Parution de « lifestyle » et évolutions des syntagmes anglais

Dans le discours européen, « Lifestyle » est un concept anglais utilisé pour la première fois en 1973 dans une consultation du CESE (CESE_EN 1974 : 17). Il y apparaît sous sa variante « life-style »[11], qui est fréquente au début de son utilisation et est traduite par « niveau / genre de vie » ou d’autres équivalents (CESE_FR 1974 : 12).

Dans les documents COM, ce sont les variantes graphiques « life-style » et « life style » qui apparaissent vers la fin des années 1970 dans des discours associés, d’une part, aux biens de consommations et, de l’autre, à la santé. Voici les premières occurrences du concept relatives aux biens de consommation, la traduction française se stabilisant dans l’équivalent « mode de vie » :

(CE_EN 1977 : 1) At the same time, demographic developments, urbanization, advances in hygiene and life-style and finally the process of industrialization have been demanding ever greater quantities of water, and in particular of hot water.

(CE_EN 1978 : 10) the launching of new products adapted to changes in life style (sports, leisure, furnishing). 

Les deux extraits montrent que les variantes de ce qui bientôt deviendra le « lifestyle » sont utilisées par rapport à des exigences (« have been demanding », « adapted to changes ») issues de l’industrialisation et des changements sociaux conséquents. Ce concept ne renvoie pas à des zones spécifiques mais est relié, de manière implicite, au « mythe » du progrès occidental (Taguieff 2002 : 9). Les versions françaises sont similaires (« le mode de vie et enfin l’industrialisation exigent… » / « …nouveaux produits adaptés à l’évolution du mode de vie… »).

Dans le domaine de la santé, ce mot se présente dans sa variante stable « lifestyle », en créant des locutions spécifiques autour du paradigme Adj. + N (« healthy / healthier / healthiest » + « life(-)style(s) »), qui sont en cooccurrence avec « food / nutrition ». L’utilisation du terme dans ce domaine est associée bientôt et naturellement aux comportements individuels, notamment ceux qui sont nuisibles, comme dans le syntagme « sedentary lifestyle ». La dénonciation de ce dernier amènera à pousser les jeunes à adopter une vie active et saine pour eux et pour l’environnement (« green lifestyle »). La tendance est aussi à insister sur les facteurs de risque qui peuvent nuire à un healthy lifestyle, comme les drogues, le tabac… Le document COM de 1993 sur la santé résume le concept en question :

34. Article 129 implicitly recognises the dichotomy between action addressed on the one hand to the individual to enhance his/her potential for health gain, healthy lifestyle, and non-risk or low-risk behaviour, such as health information and education, and, on the other hand to societal action, involving research into the causes and transmission of disease. (CE_EN 1993 : 11)

34. L’article 129 reconnaît implicitement la dichotomie entre les actions axées sur l’individu d’une part, de manière à promouvoir sa capacité à améliorer sa santé et à adopter un mode de vie sain et un comportement comportant peu ou pas de risques (…) et, d’autre part, les actions axées sur la collectivité, qui incluent la recherche sur les causes et la transmission des maladies. (COM_FR 1993 : 14)

Le « lifestyle » est donc lié à l’individu et à ses comportements (« healthy lifestyle/mode de vie sain »). On pourrait évoquer ici ce que Roos (1999 : 3) rapporte plus généralement en relation à la distinction entre les concepts de « way of life » et « lifestyle », à savoir que : « welfare state is a systemic concept just as way of life was, whereas life politics reflects agency and the subject, just as lifestyle did ». Cela implique que si « mode de vie » entendu comme « way of life », suppose une vision « traditionnelle », liée à un concept systémique, son homologue qui se réfère au « lifestyle » suppose une conception différente de l’individu, de sa réalisation personnelle, et de son interaction par rapport à un groupe ou à un système plus complexe. Le mot français renvoie donc à deux concepts différents.

Une autre différence entre les deux concepts ressort de leur utilisation dans les documents de la CE et du PE de 1973 – l’année de parution de « lifestyle » – jusqu’en 2019, comme le montrent le graphique 1 concernant « way of life » et le graphique 2 relatif à l’utilisation de « lifestyle ».

Graphique 1 : Occurrences de « way of life » dans les documents
de la Commission et du Parlement européen (1973-2019).

Graphique 2 : Occurrences de « lifestyle » dans les documents
de la Commission et du Parlement européen (1973-2019).

En effet, il est possible de remarquer que la fréquence de « way of life » augmente en relation avec les attentats terroristes, notamment après les attentats newyorkais du 11 septembre, après les attentats de Madrid en 2004 et ceux qui se sont passés en France en 2015. Il continue d’être utilisé lorsqu’il est question des groupes, souvent des populations (« Inuits », « Slaves », « Arabes », « Portugais ») et des zones précises (surtout les « zones rurales » ou les « régions de l’Est »).

Deux autres événements intéressants qui ont eu des répercussions sur la fréquence d’utilisation du terme sont la publication, en 2010, du document COM de la Commission européenne sur Une stratégie numérique pour l’Europe où le syntagme est très fréquent, et le discours de Jean-Claude Juncker sur l’État de l’Union en 2016, que nous analyserons dans la section suivante. Ces deux documents peuvent être considérés comme des « lieux discursifs »[12] (Krieg-Planque 2010), le premier étant repris dans la fiche française IATE 1225673 concernant le « mode de vie » comme équivalent de « way of life », le deuxième s’avérant fondamental pour l’évolution du terme, comme nous verrons dans la prochaine section. À ce propos, le lien au groupe qui caractérise « way of life » rend le syntagme le plus approprié à entrer en cooccurrence avec l’adjectif « our » (« notre »), ce qui permet de passer de l’idée du groupe, qui était déjà présente lors de l’utilisation discursive du syntagme, à l’idée d’une communauté (Lecolle 2008 : 332). En effet, l’autre cooccurrence possible « our » + « lifestyle » est rare, apparaissant dans un document du CESE en 1975 et ensuite seulement 5 fois dans l’intégralité de notre corpus, dont 3 dans des questions posées au Parlement européen. Les occurrences de cette expression sont donc résiduelles et l’on peut avancer la même remarque pour « European lifestyle », qu’on retrouve seulement dans 6 documents du CESE. Par contre, les expressions « our way of life », « European way of life » et « our European way of life » deviennent de véritables syntagmes de l’eurolecte anglais, avec leurs équivalents français « notre mode de vie », « le mode de vie européen », « notre mode de vie européen », comme nous allons le voir dans la section suivante, focalisée sur l’analyse du discours sur l’État de l’Union de Jean-Claude Juncker (2016).

3.1 Vers l’élaboration de « our European way of life » / « notre mode de vie européen »

Tout comme pour « lifestyle », la première occurrence de « our way of life » remonte au document CESE de 1975 (CESE_EN 1975 : 25) :

Implementation of this policy [sur les télécommunications] will change our way of life in society by providing individuals, groups and communities with new resources (…). (CESE_EN 1975 : 25)

L’expression est rare jusqu’en 2005, quand elle est utilisée dans des documents de la Commission des communautés européennes, en anglais ainsi qu’en français (« notre mode de vie »).

De manière similaire, c’est à partir des années 1980 que s’élabore le concept de « mode de vie européen » en tant que terme français utilisé dans une brochure du groupe de juristes Euro-Jus qui est citée dans deux questions écrites au PE (PE_FR 1991 : 19 ; PE_FR 1992 : 25). Les équivalents anglais du terme concerné sont respectivement « Living in Europe » (PE_EN 1991 : 19) et « European way of life » (PE_EN 1992 : 25).

Tout comme pour l’expression précédente, c’est à partir de 2005, donc après les attentats de Madrid de 2004, que nous trouvons l’utilisation de ce qui désormais est devenu un syntagme figé dans les documents de la CE : 

knowledge is a major component of the European way of life (COM_EN 2005 : 2)
la connaissance est un élément essentiel du mode de vie européen (COM_FR 2005 : 2)

Il faudra attendre, cependant, le discours du Président de la Commission Jean-Claude Juncker de 2016 pour voir un véritable basculement discursif et lexical lié à la superposition des deux paradigmes « our + way of life / notre + mode de vie » et « European + way of life / mode de vie + européen ». C’est en effet Juncker qui, le premier, utilise l’expression « our European way of life / notre mode de vie européenne », en ajoutant donc au « nous » l’appartenance européenne. Cet ajout n’est pas innocent parce qu’il suppose la création d’un in-group qui essentialise le groupe des Européens et permet la création du couple d’antonymes discursifs « nous » contre « eux » (Branca-Rosoff, Raus 2016 : 69, 74).

Au lendemain des attentats en France, l’utilisation du syntagme en cooccurrence fréquente avec « to préserve / préserver » va justement dans le sens de la présence d’un conflit sous-jacent :

(Juncker 2016 : 9):
(…) a Europe that preserves the European way of life;
(…) une Europe qui préserve notre mode de vie européen;

I am convinced the European way of life is something worth preserving.(…)
Je suis convaincu que le mode de vie européen est une chose qui vaut la peine d’être préservée.

(Juncker 2016 : 11):
A strong part of our European way of life that I want to preserve is our agricultural sector. (…)
Un élément essentiel de notre mode de vie européen, que je tiens à préserver, est notre secteur agricole

(Juncker 2016 : 13):
The European Union should not only preserve our European way of life but empower those living it. (…)
L’Union européenne devrait non seulement préserver notre mode de vie européen mais aussi donner les moyens d’agir à ceux qui le vivent

D’autres verbes qui sont également utilisés sont « to fight » / « se battre » et « to protect », traduit par le nom « protection ».

(Juncker 2016_EN : 17):
Since the Madrid bombing of 2004, there have been more than 30 terrorist attacks in Europe (…)  The barbaric acts of the past year have shown us again what we are fighting for — the European way of life. In face of the worst of humanity we have to stay true to our values, to ourselves. And what we are is democratic societies, plural societies, open and tolerant. (…) We have to take responsibility for protecting our interests and the European way of life.

(Juncker 2016_FR : 17):
Depuis l’attentat de Madrid en 2004, l’Europe a connu plus de 30 attaques terroristes (…) Ces actes barbares nous ont à nouveau montré ce pour quoi nous nous battons: pour notre mode de vie européen. Face à ce que l’Homme peut faire de pire, nous devons rester fidèles à nos valeurs, à nous-mêmes. Et ce que nous sommes, ce sont des sociétés démocratiques, plurielles, ouvertes et tolérantes. (…) Nous devons prendre en charge la protection de nos intérêts et de notre mode de vie européen[13].

Nous faisons remarquer que ces verbes sont normalement utilisés dans les discours européens sur le terrorisme (Caimotto, Raus 2023).

Le paradigme « We Europeans / Nous, européens » du discours de Juncker permet la création discursive de la communauté européenne comme in-group qui se différencie des autres et qui suppose l’« incorporation » (Maingueneau 2022 : 14) du citoyen (tableau 1) :

An integral part of our European way of life is our values. The values of freedom, democracy and the rule of law.

We Europeans can never accept (…)

We Europeans stand (…)

We Europeans also believe in  (…)

Une partie intégrante de notre mode de vie européen est constituée de nos valeurs. Les valeurs de liberté, de démocratie, l’État de droit.

Nous, Européens, nous ne pourrons jamais accepter (…)

Nous, Européens, nous sommes (…)

Nous, Européens, nous croyons aussi dans (…)

Being European also means being open and trading with our neighbours, instead of going to war with them. (…)

Being European means the right to have your personal data protected (…)

Being European also means a fair playing field.
 (…)

Being European also means a culture that protects our workers and our industries (…)

Being European also means standing up for our steel industry. (…)

For most of us, being European also means the euro. (…)

Être européen, c’est aussi être ouvert et faire du commerce avec ses voisins, au lieu de leur faire la guerre (…)

Être européen, c’est avoir le droit de voir ses données à caractère personnel protégées (…)

Être européen, c’est aussi être soumis à des règles équitables. (…)

Être européen, cela correspond aussi (…) à une culture de protection de nos travailleurs et de nos industries. (…)

Être européen, cela signifie également défendre notre industrie sidérurgique.

Être européen, pour la plupart d’entre nous, c’est aussi avoir l’euro.

Tableau 1 : Reformulations de « European / Européen »
dans le discours de Jean-Claude Juncker (2016 : 10, 12).

Le citoyen européen, en effet, est pris dans un « nous » dont les contours sont définis par le paradigme « being European (means) / étre européen, (c’est) ». C’est ce qui, en paraphrasant Maingueneau (2022), déclenche un processus d’assimilation des caractéristiques précises d’une manière d’être et qui, par conséquent, permet l’intégration à la communauté imaginaire impliquée par l’énonciation.

Le document de Juncker est un lieu discursif qui sera repris par plusieurs documents de l’UE, inaugurant la mémoire discursive de la protection des valeurs européennes que nous trouverons dans le discours d’Ursula von der Leyen.

Voici la reprise du dit de Juncker dans des documents de la CE en 2016. Nous avons différencié les cas de modalisation en discours second où l’hétérogénéité est montrée[14] par le discours rapporté direct ou indirect (cas I), des cas où l’hétérogénéité devient constitutive (cas II) :

I

As President Juncker said in his 2016 State of the Union speech, “The European Union should not only preserve our European way of life but empower those living it”. (CE_EN 2016a : 646 : 2)

Le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, a déclaré dans son discours sur l’état de l’Union en 2016 : « L’Union européenne devrait non seulement préserver notre mode de vie européen mais aussi donner les moyens d’agir à ceux qui le vivent ». (CE_FR 2016a : 2)

President Juncker called for Europe to strengthen its defence policy. Europe has to take responsibility for protecting its interests, values and the European way of life. (CE_EN 2016b : 19)

Le président Juncker a appelé l’Europe à renforcer sa politique de défense. L’Europe doit prendre la responsabilité de protéger ses intérêts, ses valeurs ainsi que le mode de vie européen. (CE_FR 2016b : 22)

II

Further delay benefits only the terrorists who seek to destroy our way of life. (CE_EN 2016c : 7)

Tout retard supplémentaire bénéficie aux seuls terroristes, qui cherchent à détruire notre mode de vie. (CE_FR 2016c : 8)

the cowardly and despicable 19 December Berlin attack and the other terrible attacks of 206 remind again our vulnerability and the need for us to continue working together to strengthen our collective security to protect our freedom and way of life. (CE_EN 2016d : 2)

L’attentat lâche et méprisable qui a frappé Berlin le 19 décembre ainsi que les autres attentats perpétrés en 2016 nous rappellent de nouveau notre vulnérabilité et la nécessité de continuer à œuvrer ensemble au renforcement de notre sécurité collective afin de protéger nos libertés et notre mode de vie. (CE_FR 2016d : 2)

Dans le deuxième énoncé du cas I, le désancrage de l’énonciation première de Juncker par le discours rapporté de manière indirecte produit la création d’un véritable « élément de langage » (Krieg-Planque, Oger 2017) en anglais (« Europe + auxiliaire modal + take + [(Adj.)] + responsability for protecting its interests, value and the European way of life ») comme en français (« L’Europe + devoir + prendre / assumer + [(Adj.)] + responsabilité́ pour protéger ses intérêts, ses valeurs et le mode de vie européen »). Cet élément sera réutilisé pour légitimer des politiques de défense en 2018[15].

Dans les énoncés du cas II, le « way of life » est un concept qui renvoie aux valeurs européennes en opposition à des groupes extérieurs, notamment les terroristes. Cette extension sémantique permet l’élaboration d’une identité exclusive, comme dans les documents suivants :

1.2 Strengthening European common values

Our values, including freedom, democracy and the rule of law, are integral part of our European way of life[16] (COM_EN 2017a : 5)

(…) cultural community, based on shared values and successful economic integration, in particular in internal market. The European Union’s social market economy is a hallmark of European way of life combining freedom with social principles (…). (CE_EN 2017b : 11)

Cette identité à protéger sera justement reprise en 2019 par la candidate à la Présidence de la Commission Ursula von der Leyen dans son discours sur les orientations politiques de la Commission, où elle utilise l’expression « protecting our European way of life / protéger notre mode de vie européen ».

Au lendemain des attentats parisiens, la création d’un véritable in-group européen oppose un « nous » démocratique, fondé sur l’État de droit et sur une vision économique précise, à un extérieur qu’il faut combattre pour la défense du « mode de vie » / « way of life » occidental, ce qui permet la légitimation de politiques sécuritaires.

4. Les concepts français et anglais dans IATE

L’évolution des deux termes « way of life » et « lifestyle » montre qu’ils renvoient à deux concepts différents qui sont pourtant rendus en français par un seul terme.

Dans la base de données IATE, voici ce que les trois fiches concernant l’entrée française « mode de vie » affichent par rapport aux équivalents anglais :

  1. La fiche 47420 créée en 1999 à partir de l’anglais et mise à jour en 2020 est produite par le Centre de traduction des Organes de l’Union européenne, agence chargée « de fournir les traductions que lui demandent les autres agences européennes » (Fontenelle 2016 : 55) et de maintenir la base terminologique IATE qu’elle a lancée en 1999, et propose l’équivalence « mode de vie » - « lifestyle » dans le domaine questions sociales / environnement. Le terme concerné est défini comme « les attitudes particulières à l’égard des drogues dans certains groupes et dans certaines situations sociales ou environnementales » ;
  2. La fiche 847419, créée en 1991 à partir du français et mise à jour en 2019, est produite par le Conseil et propose la même équivalence dans le domaine des questions sociales / santé. Ici le terme est défini comme « la manière de vivre d’une personne telle qu’elle s’exprime par ses activités, ses intérêts et ses opinions ». À la différence des deux autres fiches, le terme français est marqué ici comme peu fiable par la présence d’une seule étoile, selon le code de fiabilité de la base ;
  3. La fiche 1225673, créée en 2011 et mise à jour en 2014, est produite par la Commission et pose l’équivalence « mode de vie » - « way of life » dans le domaine des questions sociales / économiques sans insérer de définition.

Bien que les fiches d’IATE prévoient désormais la possibilité d’intégrer des notes et de préciser l’utilisation des termes en contextes, ce qui témoigne de l’ouverture grandissante de la base à la variation sociolinguistique des termes, les trois fiches concernées manquent de précision.

Cela dit, les fiches des syntagmes dérivés ajoutent des renseignements supplémentaires qui peuvent être utiles à la personne qui traduit. En effet, les syntagmes montrent que « lifestyle » est utilisé souvent dans le domaine médical (par exemple « lifestyle » + « drug / desease / and wellbeing application ») et que « way of life » produit une filiation majeure par rapport à « our », comme on peut le voir par les fiches 3582043, 3582101 et 3582102, créées par la CE à partir des discours d’Ursula von der Leyen que nous synthétisons ci-dessous :

  1. « Protecting our European Way of Life » / « Protéger notre mode de vie européenne », considéré comme syntagme obsolète et remplacé par « Promoting our European Way of Life » / « Promouvoir notre mode de vie européenne » avec la substitution du verbe. La source du terme qui est perçue comme obsolète est justement le discours de von der Leyen de 2019, comme on le précise dans une note où ce terme est défini comme « l’une des six grandes ambitions prononcées par l’actuelle Présidente de la Commission » ;
  2. « Vice-President for Promoting our European Way of Life » / « vice-président chargé de la promotion de notre mode de vie européen » (la variante sans « our » / « notre » est marquée comme obsolète en anglais comme en français), dont la source est une lettre de mission de von der Leyen au commissaire grec Margaritis Schina de décembre 2019 ;   
  3. « Commissioners’ Group on Promoting our European Way of Life » / « groupe de commissaires pour la promotion de notre mode de vie européen », avec la variante « protecting » / « protection » à la place de « promoting / promotion » marquée toujours comme obsolète, et dont la source reste la lettre de mission de von der Leyen de 2019.

Nous ne nous attarderons pas sur les raisons de l’obsolescence des variantes, qui mériteraient des recherches supplémentaires. Nous nous limitons à souligner que toutes les fiches analysées n’explicitent pas la vision sous-jacente aux concepts « way of life » et « lifestyle », qui suppose une conception différente de l’individu, comme nous avons montré par l’analyse discursive, ni restituent la richesse des utilisations discursives des termes concernés. Au contraire, par rapport au premier aspect, la définition de « lifestyle » donnée en 1999 par le Centre de traduction des Organes de l’Union européenne parle de « groupe » alors que dans celle de 1991 le Conseil renvoie plutôt à la « personne », ce qui contribue à la confusion conceptuelle, le seul critère distinguant les deux acceptions restant celui du domaine concerné.

Bien sûr, les critères onomasiologiques privilégiés par IATE, qui vise la normalisation et utilise une « métalangue » (fiabilité des termes marquée par des étoiles ; présence d’étiquettes pour signaler les termes préférés, etc.) pour « guider l’utilisateur (le plus souvent le traducteur) vers le meilleur équivalent » (Fontenelle 2016 : 59), demandent d’endiguer la prolifération des fiches et de limiter les difficultés soulevées par l’ambiguïté de termes qui, comme le français « mode de vie », peuvent poser des problèmes de traduction (Mottola, Mercurio 2022 : 181). Cela dit, les fiches du Conseil et de la Commission dont nous avons parlé manquent de précision (absence de définition dans la fiche de la Commission et plus généralement de notes d’utilisation, fiabilité faible du terme du Conseil, etc.), ce qui pourrait être justifiable lors de la présence d’un néoterme (Mottola, Mercurio 2022 : 173) mais qui ne l’est pas vraiment dans le cas de ce terme. Enfin, ces manques ne facilitent pas la désambiguïsation de l’équivalence plurivoque du terme français (Cosmai 2014 : 158) par rapport à la conception différente de l’individu qui justifie aussi ses évolutions récentes.

Conclusion

Si l’analyse discursive de l’utilisation des termes « mode de vie », « way of life » et « lifestyle » a montré que le terme français renvoie à deux concepts fort différents en anglais, qui sont liés non seulement à leur utilisation dans des discours différents (qui, par ailleurs, se superposent seulement en partie aux domaines des fiches IATE) mais aussi à une vision précise de l’individu permettant leur reprise dans certains syntagmes, l’observation des six fiches d’IATE relatives aux termes concernés et aux syntagmes dérivés manquent souvent de précision et ne tiennent pas compte de tous les éléments conceptuels qui justifient la variation des équivalents anglais.

Tout en respectant les critères ISO (Organisation Internationale de Normalisation 2009) et ayant fait des progrès importants dans la prise en compte de « critères discursifs » (Raus 2014), en ajoutant des notes et la possibilité de voir le « terme en contexte », IATE ne semble pas encore réussir à les intégrer pleinement. Ainsi, une personne qui devrait traduire « mode de vie » en anglais dans un document européen concernant la médecine, aurait tendance à utiliser « lifestyle », en supposant que c’est du concept médical qu’il s’agit, alors que cela n’est pas forcément le cas.

Cela nous semble devenir encore plus nécessaire actuellement puisque cette base enregistre désormais des éléments de langage, qui caractérisent de manière grandissante l’écriture récente de l’Union et des organisations internationales (Caimotto, Raus 2023) et qui contribuent à naturaliser l’idée qu’on peut aisément et automatiquement passer d’une langue à l’autre, les langues devenant alors des codes purs et simples. C’est justement le cas des syntagmes issus du discours de von der Leyen de 2019, qui s’avèrent très longs et qui tendent à figer l’écriture et à la rendre proche de l’écriture des langues contrôlées (Ryan 2009). Cependant, même ces éléments s’élaborent dans la matérialité discursive. Comme nous l’avons vu pour « mode de vie », ils se forment en privilégiant certains paradigmes à d’autres en raison de critères sémantico-discursifs (voir le syntagme « notre mode de vie européen » / « our European way of life » par rapport à « our European lifestyle »).

Quand l’ISO recommande de condenser les résultats des requêtes d’une ressource terminologique informatisée (ISO 2009 : V) « au moyen d’analyses sémantiques afin de répondre aux besoins des utilisateurs », cette composante sémantico-discursive ne saurait pas se restreindre aux seuls critères d’utilisabilité et d’accessibilité informatiques. L’accès à un terme, en effet, ne peut pas se limiter au fait de le repérer aisément dans une base de données, mais devrait supposer l’accès à toutes les données qui permettraient de le réutiliser dans le bon contexte (usabilité), ce qui ne peut pas se réduire au seul domaine concerné. D’ailleurs, surtout à l’aide d’algorithmes d’intelligence artificielle (Mayaffre, Vanni 2021) et du data mining, on peut désormais s’appuyer sur des corpus de grande taille, dont les institutions européennes disposent, pour récupérer et normaliser facilement les termes lors de la définition du concept et fournir des notes et des contextes précis, qui dépassent le simple cotexte immédiat. Nous souhaitons que cet article puisse lancer des réflexions sur l’intégration possible de critères discursifs qui amélioreraient la précision des fiches plus généralement et permettraient aux spécialistes de la traduction de mieux se repérer parmi les termes équivalents proposés.

Bibliographie générale

Note : La date du dernier accès aux sites en bibliographie ou cités dans les notes est le 30 avril 2022.

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Notes

[1]    La base est disponible au lien https://eur-lex.europa.eu

[2]    La base est disponible au lien https://iate.europa.eu

[3]   Par CE nous renvoyons aux différentes redénominations de l’institution concernée, à savoir la « Commission de la Communauté économique européenne » de l’avant 1967, la « Commission des communautés européennes » jusqu’à l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne le 1er décembre 2009 et, depuis lors, la « Commission européenne ».

[4]    Sur ce sujet, voir les fiches IATE 36292 et 1109199.

[6]    Cela vaut d’autant plus pour les textes législatifs finaux, qui sont des versions linguistiques ayant la même valeur légale (principe de corédaction).

[7]    Dans toutes les citations, les caractères gras sont les nôtres.

[11] Une autre variante attestée dans le corpus est « life style ». Elle figure comme cooccurrence libre Adj. + Nom.

[12] « Un lieu discursif est un objet relevant d’une matérialité discursive, que les locuteurs façonnent et reprennent en y investissant des enjeux de positionnements et de valeurs » (Krieg-Planque 2010 : 103-104).

[13] L’utilisation du possessif caractérise surtout la version française, ce qui s’explique en partie par des raisons de grammaire.

[14] Pour les formes de l’hétérogénéité, voir Authier (1984).  

[15] Cf. les documents COM nn° 98, 345, 472, etc.

[16] Dans une note du document, on cite justement le discours de Juncker de 2016.

About the author(s)

Full Professor in French linguistics at the University of Bologna from June 2021. She’s interested in: Traslation and Artificial Intelligence, Terminology and translation of specialized texts (French-Italian), especially in a Gender perspective; French discourse analysis, with a special focus on International Organisations’ discourses; Lexical semantics.
She is Director of Linguistic Centre of University for the Romagna and Doctoral Supervisor at the University of Bologna in “Traduzione, Interpretazione e Interculturalità” PhD. She was the Director of the Research Centre for Women’s and Gender Studies (2009-2012) and of the Centre for Europe (2014-June 2021) at the University of Turin. She’s a member of international networks, such as: the International Pan-Latin Terminology Network REALITER; the International Association LTT; Terminology & Ontology: Theories and Applications – TOTH. She's currently involved in the Jean Monnet Research Center Artificial Intelligence for European integration and in the Lessico dei Beni culturali Research Unit.
She is member of the Editorial / Scientific committee for many international journals, such as: Synergies Italie published by the International research group on promoting French language (GERFLINT), Le Langage & l’Homme, AG About Gender (University of Genoa), Entremeios (Universidade do Vale do Sapucaí, Brazil), Revista do Laboratório de Estudos Urbanos (RUA) published by the University of Campinas (Brazil), and so on.
She has published widely on Translation and on Gender related Terms. She wrote the monograph Lifestyle Politics in Translation. The Shaping and Re-Shaping of Ideological Discourse with Maria Cristina Caimotto (London/New York: Routledge 2023), Fesp: Le français pour les étudiants de Sciences politiques (Naples: Simone edizioni 2021, 3rd edition), La terminologie multilingue. La traduction des termes de l’égalité H/F dans le discours international (Bruxelles: De Boeck, 2013), she has co-edited with Alida Maria Silletti, Silvia Domenica Zollo and John Humbley the book (2023) Multilingualism and Language Varieties in Europe in the Age of Artificial Intelligence (De Europa Journal, Special issue 2023) and many other books.

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©inTRAlinea & Rachele Raus (2023).
"Terminologie discursive et traduction : « mode de vie » vs « way of life / lifestyle » dans les documents institutionnels français et anglais de l’Union européenne (1964-2019)"
inTRAlinea Special Issue: Terminologia e traduzione: interlinguistica, intralinguistica e intersemiotica
Edited by: Danio Maldussi & Eva Wiesmann
This article can be freely reproduced under Creative Commons License.
Stable URL: https://www.intralinea.org/specials/article/2643

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